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NORITE : Une rencontre, de la techno, un label.

Norite, le label minéral. Les amateurs de techno, ont surement déjà entendu cet étrange nom résonner dans leurs oreilles. Créé il y a un an maintenant, grâce a l’heureux hasard d’une rencontre, ce label bruxellois aux couleurs sombres, fait déjà bien parler de lui, que ce soit grâce à ses soirées, à ses collaborations, ou encore plus récemment à ses releases. BeatChronic a passé quelques heures avec eux et raconte la rencontre de trois passionnés de musique.

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BeatChronic’s Weekly Selecta – 20.05.16

C’est vendredi. Et pour nous, c’est le moment  de faire le tour de ce que le paysage musical belge nous a offert ces sept derniers jours. Au programme de cette semaine : des nouveaux EP, singles et albums, mais surtout du talent et de la belgitude.

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J’ai cliqué sur : City Nights vol.1

Cela fait maintenant 2 ans que le premier volume de la série City Nights à été “dropé” sur Youtube par les créateurs de la Chillop Music channel. Pour l’instant la City Nights Collection est composée de 8 volumes d’une heure environ (la dernière vient de sortir du four). Les mix se composent de différentes tracks pouvant passer d’un Dj Withesmith à du Pro Era sans oublier d’en placer une à notre Shungu national.

Ces sets très “chill” dans l’ensemble pourront vous accompagner dans vos croisades contre ces montagnes de syllabi ou tout simplement lorsque vous vous rendrez vers votre lieu de travail. Les time lapse accompagnant les prods tout au long de votre dégustation ne manqueront pas de vous procurer ce sentiment d’évasion dont nous avons tous besoin de temps à autre… On vous mâche une partie du travail en vous dropant quelques liens qui nous ont particulièrement bien ambiancés…

 

City Nights vol 1

  • Jesse James – 50’s Manhattan
  • A Tribe Called Quest – 1nce Again (Je$u$ Remix)

 

City Nights vol 2

  • The Dopplegangaz – Barbiturates
  • De La Soul – Get Away

 

City nights vol 6

  • ShunGu – All.Love
  • Jalal Salaam – As Above So Below

Une belle affiche pour le festival le plus eco-friendly de France

En matière de Festivals, on ne peut pas dire qu’on soit lésés en Belgique. Néanmoins, cette année je suis resté un peu sur ma faim, c’est pourquoi je prends le risque de m’embarquer dans une expédition folle… à la frontière française. C’est en effet à Charleville-Mézières, petite ville des Ardennes, que se déroulera à partir de demain le festival du Cabaret Vert.

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Baths

En mai dernier, Will Wiesenfeld, plus connu sous le nom de projet Baths, sortait, sous le label d’Anticon, un EP intitulé Ocean Death. Cinq morceaux aux caractères sombres et mélancoliques, entraînés par des rythmes envoûtants vers les profondeurs d’un océan morose.

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Open Sound Lab, plus qu’un laboratoire de musique…

L’autre jour, je discutais avec un ami et il me disait que l’activité musicale belge était au point mort. C’est un avis qui se respecte, seulement, il faut nuancer le propos. Nombreux sont les belges qui ont prouvé ou prouvent encore que la démarche musicale, bien que très camouflée, existe dans le plat pays. Je pense, entre autres, à

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Les 12 Saisons

 Une tendance épistémologique grandit au sein des théoriciens de l’art concernant la qualification du 21e siècle en termes stylistiques. A bien des égards, notre époque est boursoufflée de questionnements : philosophiques, sociétaux, technologiques, religieux, psychologiques, politiques. Autant de sujets parmi lesquels l’individu (particulièrement occidental) occupe, selon moi, un rôle extrêmement ambigu. D’un côte, le libéralisme social et le capitalisme ont amené les masses à un culte de la personnalité : l’individu comme objet unique capable de promouvoir son mode de vie et d’avoir accès démocratiquement aux libertés d’expression dont l’outil principal est devenu le web. D’un autre côté ce monde toujours plus rapide et toujours plus centralisé sur l’anecdotique tend à astreindre certaines réalités sous le joug de la stagnation intellectuelle. On le voit constamment, les débats actuels opposent des points de vue souvent extrêmes qui révèlent une fracture sociétale grandissante entre les êtres. Dans le même temps la jeunesse, au coeur de ce mouvement perpétuel où la violence est banalisée, en vient à perdre ses repères et, du coup, à se refermer sur elle-même dans le confort du virtuel. Un autre paradoxe encore plus inquiétant de notre société globale et remplie de névroses concerne le simple acquis de l’information. Aujourd’hui, plus une connaissance est facile d’accès, moins les personnes, et singulièrement les plus jeunes, font le choix de se cultiver, d’apprendre. Cette disparition relative de la curiosité à grande échelle, qui anime les enfants, qui transforme le monde, au profit d’une nouvelle curiosité plus addictive et plus malsaine pour la bêtise et la vie privée des autres m’inquiète et me perturbe. Ainsi, par le gain de toutes nos libertés, j’ai peur que l’Homme ne tombe dans le piège du facile, ouvrant la porte aux dictatures modernes de l’apparence, du laisser-faire, de l’inaction, de l’idiotie, de la pensée unique, des faux-semblants. C’est dans ce contexte épileptique et emprunt de confusion que les artistes piochent leurs idées, leurs sentiments, afin de les exposer au plus grand nombre dans l’espoir de toucher leurs concitoyens, d’exprimer, de réafirmer une part de leur identité ou de simplement dire le monde avec un vocabulaire moins technique, moins académique mais tout aussi valide. Qu’ils soient rappeurs ou stylistes, écrivains, cinéastes ou peintres, sculpteurs, musiciens, les grands artistes de notre temps posent, avec leurs créations, une pierre à l’édifice fragile de la réflexion humaine. Les oeuvres sont des discours. En ce sens, définir un courant artistique, c’est définir une pensée, une époque, un état de la société dans laquelle vivent les créateurs. Et, comme je le soulignais plus haut, un consensus prend forme dans l’inteligencia post-moderne pour qualifier notre période, le début du 21e siècle, comme une entité néo-baroque : c’est le fil rouge de cet article.

C’est via leurs préoccupations et leurs enjeux que les années 2000 et 2010 constituent un terrain fertile et propice à l’expression artistique dite baroque. L’apparition de ce courant vers le milieu du 17e siècle, en Italie d’abord puis à travers toute l’Europe, est largement due à un contexte de crise et de mise à mal de nombreux pouvoirs : ceux de l’Eglise, des Empires, des moeurs, etc. Pour faire court, le véritable terreau de ce style est l’impression d’instabilité générale qui régnait en occident à l’époque : on vise en particulier le désordre politique et les divisions religieuses. Il en résulte que l’Homme du 17e est sur des charbons ardents et très conscient de ses individualités philosophiques et sociales. On voit ici l’évident parallèle qui peut exister entre les questionnements baroques et les ramifications actuelles évoquées dans l’introduction. Du reste on ne nie pas les singularités des deux époques mais analyser l’une avec l’autre semble nous en dire beaucoup plus sur la société que l’exploration unilatéralement stérile d’une recherche classique. Dés lors, sous la loupe de cette comparaison, il nous faut étudier les similitudes esthétiques entre cet hier distant de la Renaissance et notre présent compliqué afin de mieux affirmer notre hypothèse néo-baroque et, ultimement, de réussir à nous comprendre en tant qu’individus et/ou collectivité à travers l’expérience quasi métaphysique de l’art.

On va, bien sûr, s’attarder sur la partie musicale de ce courant plutôt vaste aux disciplines multiples. C’est donc, comme on l’a vu, les principes de crise et de déséquilibre qui prévalent dans les considérations des compositeurs européens de cette période. Ces concepts sont traduits en langage mélodique par une série de techniques mettant en exergue les oppositions et les disparités avec une recherche, plus générale, de surexposition sentimentale. Les caractérisitiques de ce système sont l’utilisation ouvertement sensuelle du contrepoint, la prééminence du crescendo comme outil structurel, l’alternance d’harmonies voluptueuse et de segments plus crus, une emphase relative de la violence, des ornements et autres complications virtuoses pour une sophistication maximale. La musique baroque est aussi un style où les contrastes foisonnent, que ce soit entre les graves et les aigus, les notes très longues et les notes très courtes, le clair et l’obscur… Ensuite, on dénombre, parmi les thèmes de prédilection du courant et de ses membres, des sujets tragiques, des évocations naturelles, l’expression de sentiments contradictoires particulièrement tumultueux, les récits de famille sanglants et, de façon presque systématique, un jeu sur la représentation et le problème de l’identité en crise. Enfin, et cela découle de toutes ces caractéristiques, l’approche générale des compositeurs baroques se fait dans l’excès, ils privilégient une surdose continue des éléments qui provoquent l’émotion chez le public, une obsession s’exprimant grâce à la répétition chronique, parfois outrancière, de motifs simples (souvent issus du folklore ou de la musique traditionnelle) avec une surenchère dans les variations de thèmes qui se complexifient encore et encore.

C’est sur la base théorique développée ci-dessus que j’ai choisi d’analyser un classique parmi les classiques : Les Quatre Saisons de Antonio Vivaldi (1678-1741) en comparant cette oeuvre avec deux de ses adaptations contemporaines aux conceptions radicalement différentes mais qui permettent d’explorer les nombreuses facettes du monstre originel. Le but, évidemment, est de voir comment la sémantique du baroque s’est transmise à deux grands artistes de notre temps qui en explorent le vocabulaire pour mieux l’adapter aux moyens d’expressions post-modernes de la musique. On verra à quel point ces trois oeuvres combinées (ou même séparément) parviennent à nous immerger dans les tréfonds de l’âme humaine, peuvent aussi nous renseigner sur les modes de fonctionnement de l’imagination conjugée au présent et au passé, avec en prime, comme toujours, une attention particulière accordée aux moyens d’y parvenir dans l’organisation intrinsèque des morceaux selon trois méthodes distinctes.

Aborder intelligemment une oeuvre aussi connue et populaire que Les Quatre Saisons de Vivaldi nécessite une double approche à la fois respectueuse et iconoclaste. Démystifier un coup de génie pour ne pas le concevoir de manière académique ou rébarbative en évitant de le galvauder, voilà l’essentiel d’une bonne démarche qui permet, ensuite, de révaluer les morceaux selon d’autres critères et découvrir leurs trésors cachés. J’ai délibérément choisi le pluriel pour “morceaux” dans le but de clarifier mon point de vue avec, en premier lieu, une donnée élémentaire. Au fil des siècles, une fausse idée est apparue au coeur de l’inconscient collectif, une croyance populaire selon laquelle Les Quatre Saisons constituent une création à comprendre au singulier, en d’autres termes que le compositeur a conçu l’oeuvre comme un tout unique. Il n’en est rien, et ce simple fait déstabilise complètement la compréhension générale de ce qu’on écoute. Replantons le décor. Il s’agit en réalité de 4 entités qui faisaient partie d’un groupe plus large de 12 concerti publiés en 1725 (au plus fort de la tendance baroque) pour le Comte Václav Morzin que le Prêtre Rouge (Vivaldi) avait nommé “Le combat de l’Harmonie et de l’Invention”, marquant bien sûr, dés le titre, l’obsession générale du courant décrite plus haut pour les tendances opposées. Les 4 premiers morceaux de ce pot-pourri représentaient chacun une saison pour former, artificiellement, une unité d’ouverture. L’importance de l’opus 8 (numérotation de la série) est souvent négligée au point de vue formel. En effet, on peut y voir le fondement du concerto classique avec la prééminence du soliste et de la structure tripartite ainsi qu’un élargissement des possibilités rythmiques du genre. De plus, l’artiste y développe tout un réseau de nouveautés expressives d’une puissance redoutable. Les Quatre Saisons en elle-mêmes représentent un véritable exemple des vertus associatives du son et des mots puisqu’elles étaient chacune accompagnées d’un sonnet découpé en trois parties, à savoir une par mouvement, qui décrivaient les scènes visualisées par l’auteur. L’envie de confectionner une suite de morceaux qui retracent le déroulement d’une année est, pour moi, hautement plus interpellant qu’une simple constatation météorologique. En croisant, par analogie, le principe symbolique de la représentation des saisons en art avec certains éléments biographiques concernant Vivaldi on peut trouver dans ces concerti une verbalisation de questionnements intimes très profonds. Je m’aventure ici dans une vraie démarche personnelle basée sur une logique argumentative qui n’engage que moi mais qui, je pense, éclaire, sinon mieux, du moins avec originalité, un monument de la musique. Pour ce faire, j’ai choisi d’utiliser une interprétation qui capture bien l’essence du quatuor, il s’agit d’un enregistrement live qui prend le parti de faire jouer chaque concerto par un violoniste différent pour bien marquer les changements de ton qui peuvent exister d’une oeuvre à l’autre et, de fait, éviter la monotonie habituelle des innombrables versions disponibles dans le commerce. Je m’appliquerai à formuler ce que chaque musicien apporte comme supplément de fraîcheur et d’émotion au lieu de décrire la musique à proprement parler en raison de sa célébrité gargantuesque. Ensuite, je ferai un parallèle entre les sonnets mentionnés précédemment et quelques données factuelles sur la vie du compositeur : ses amitiés, son appartenance à l’Eglise Catholique, ses difficultés artistiques et financières.

Le Printemps :
Allegro 
Le Printemps nous arrive. Les oiseaux célèbrent son retour d’un chant joyeux,
Et les ruisseaux qui murmurent
Sont tendrement caressés par la brise. Des orages, ces hérauts du Printemps, rugissent,
Jetant leur sombre manteau sur les Cieux.
Ensuite, ils s’éteignent dans le silence,
Et les oiseaux reprennent leurs charmantes chansons une fois de plus.
Largo
Sur la prairie jonchée de fleurs,
Avec des branches feuillues qui bruissent par dessus,
Le troupeau de chèvres dort, son chien loyal à côté de lui.
Allegro
Emportés par le son festif des cornemuses rustiques,
Des nymphes et des bergers dansent avec légèreté
Sous la voûte brillante du Printemps.

Le premier concerto, “La Primavera”, est interprété par Isaac Stern (1920 – 2001) qui, à l’époque de l’enregistrement au Hubert Festival de 1983, était un des seuls vétérans du violon. Son approche est pleine d’assurance, il affirme le rôle du soliste dés l’ouverture, d’abord en accompagnement de fond avant de se lancer dans une gymnastique originale, joyeuse et puissante. Le thème de base est alors répété. Stern appuye vraiment sa partition pour mettre sous le feu des projecteurs à la fois l’instrument mais aussi la primauté des contrepoints qui dictent tout le premier mouvement. Cette emphase est encore plus claire dans la seconde partie où le musicien semble allonger certaines notes pour un effet dramatique d’une intensité rare. Le violon suit un parcours très sensuel et il domine totalement le reste de l’orchestre à part un violoncelle qui l’accompagne pour quelques touches tranquiles. On est dans une élégie onirique et tendre. Le dernier mouvement est joué plus lentement que dans un grand nombre d’autres versions afin de garder une sorte de candeur au matériel sonore. Ici, le jeu de Stern est plus subtile, plus enrobé, il effectue des changements de textures (tout comme l’orchestre) en variant le volume de son instrument qui tantôt survole l’ensemble, tanôt se fait discret. Il se permet aussi d’accélérer et de ralentir, presque arbitrairement, pour une meilleure tenue générale et diffuser une impression de flottement. Prise comme un tout, la performance s’articule véritablement sur l’originalité de la lecture mélodique en s’inspirant des évocations cruciales issues du sonnet.

L’Été :
Allegro non molto
Sous une saison difficile, enflammée par le soleil,
Un homme se languit,
Le troupeau se languit, les pins brûlent; On entend la voix du coucou,
Ensuite les chansons douces de la tourterelle et du pinson.
Une tendre brise agite l’air… Mais le vent du nord, menaçant, la balaye soudain.
Le berger tremble, craignant les tempêtes violentes et son destin.
Adagio e piano – Presto e forte
La peur des éclairs et du tonnerre acharné
Vole ses membres fatigués de repos
Tandis que des moustiques et des mouches bourdonnent furieusement tout autour.
Presto
Hélas, ses peurs étaient justifiées,
Les Cieux tonnent et rugissent et, avec clameur,
Coupent la tête du blé, dévastent les graines.

C’est Pinchas Zukerman (1948), un artiste israélien spécialisé dans le violon et l’alto, qui se charge de “L’Estate”. Parmi les 4 concerti, le deuxième est sans doute le plus apprécié du public à cause de sa rythmique démentielle qui en fait un exercice complexe de virtuosité. On peut, avec une recherche technique poussée, en venir à rendre l’oeuvre partiellement vide, dénaturée. Le risque de transformer ce superbe morceau en un récital ostentatoire et tristement plat est bien réel. Heureusement, ce n’est pas le cas de notre musicien. Doué d’un sens incroyable de la justesse, souple du poignet, il parvient à plonger dans les sections musicales très rapides sans perdre le moindre souffle lyrique. Conservant cette tension à travers chaque note, il ne bâcle pas les sons tout en suivant l’orchestre dans les crescendos endiablés typiques du morceau. Pour insister sur l’alternance, il met à profit les parties plus lentes pour engager l’étendue des vocalises de la partition avec, pour chaque répétition de thème, une fraîcheur nouvelle grâce à des variations d’expressivité. Il manipule à merveille ce double emploi dans le premier mouvement. La deuxième partie est maîtrisée avec une intelligence extrême. Le phrasé lancinant et fluide du soliste est mis en contraste brutal avec les explosions de l’orchestre rendues particulièrement courtes et sèches. Le résultat dégage une angoisse et une tristesse incroyables, comme une âme perdue qui ne peut rien faire contre la puissance destructrice en face d’elle, c’est fascinant à écouter. Un pause. Place au tourbillon final du troisème mouvement, superbe, déchaîné, le bijou étincellant qui couronne cette interprétation avec une grâce où s’entremellent rage et  fragilité. Zukerman donne un souffle cinétique survolté à l’ensemble par son incroyable maestria technique. On en ressort littéralement exténué.

L’Automne :
Allegro
Les paysans célèbrent, avec des chansons et des danses,
Le plaisir d’une récolte abondante. Et, animés par la boisson de Bacchus,
Beaucoup terminent les festivités dans leur sommeil.
Adagio Molto
Tout le monde est forcé d’oublier ses soucis et de chanter et de danser
Par l’air qui est trempé de plaisirs
Et par la saison qui invite tant et tant d’autres
Hors de leur plus doux sommeil à de belles réjouissances.
Allegro
Les chasseurs apparaissent à l’aube,
Et, avec des cors, des chiens et des mousquets partent à la chasse.
L’animal fuit et ils suivent sa trace. Terrifié et fatigué par le vacarme
Des mousquets et des chiens, l’animal, blessé,
Menace avec langueur de fuir encore mais, tourmenté, il meurt.

L’Autunno” , le troisième concerto de la série, fut confié à Shlomo Mintz (1957), un autre viloniste et altiste israélien, spécialiste du répertoire baroque et du classique primitif (surtout Bach). C’est donc en expert qu’il aborde toute la symbolique exprimée dans le poème qui accompagne la partition. De ce fait, il monopolise tous les procédés typiques du genre pour, non pas interpréter, mais bien revitaliser l’expérience même de la musique comme elle était conçue à l’époque. Le résultat est particulièrement agréable mais en même temps très ambigu car il joue sur le gouffre qui existe entre l’approche ritualiste du morceau, c’est à dire simple et répétitive, et une vision beaucoup plus dense. Et il est d’autant plus judicieux d’avoir choisi Mintz pour ce concerto car celui-ci est, sans conteste, le plus complexe métaphoriquement des quatre. Il y a une certaine indétermination dans la musique et les images qu’elle veut imposer au spectateur. Mintz joue avec cette zone floue en utilisant les contrastes à tel point que rien n’est déterminé. Dés les premières notes du premier mouvement, lui et l’orchestre mettent en place cette notion d’entre deux par la surexposition des effets. Ainsi, malgré l’ambiance festive générale, le musicien, grâce à ses solos, glisse un facteur étrange dans le tout qui s’avère crucial pour sa lecture de la seconde partie où le violon est presque totalement muet. Son désir est d’insister sur la tension, le questionnement figuratif où tout est vague et indécis. Dans le mouvement final, il reprend son postulat de base qui patibule entre la fête et l’inquiétude donnant, par les répétitions, un recul empathique inhabituel. Le violoniste comprend que, pour exposer au mieux l’ambiguité de l’oeuvre, il doit effectuer un travail de distanciation en soulignant la rythmique avec des longueurs subtiles en creux de phrases mélodiques. Il construit le doute avant de l’amèner à nos oreilles d’une manière stupéfiante avec, en conclusion, une sorte d’élégie sincère et pudique.

L’Hiver :
Allegro non molto
Trembler de froid dans la neige glaciale,
Dans le souffle âpre d’un vent horrible.
Courir en tapant des pieds à chaque seconde,
Avec nos dents qui claquent dans le froid extrême.
Largo
Avant que le feu ne passe, paisible,
Des jours satisfaits tandis que, dehors, la pluie tombe.
Allegro
Nous marchons sur le chemin verglacé lentement et prudemment,
Nous avons peur de trébucher, de tomber.
Puis nous nous retournons brusquement,
Nous glissons, nous nous écrasons sur le sol,
Et, en se revelant, nous nous précépitons pour traverser la glace, de peur qu’elle ne casse.
Nous sentons le frisson des vents du nord qui traverse la maison
En dépit de nos portes fermées, verrouillées.
C’est l’hiver qui, malgré tout, amène ses joies propres.

Pour finir, “L’Inverno” est interprété par le meilleur violoniste de notre époque, à savoir l’artiste israélo-américain Itzhak Perlman (1947). L’homme est un prodige, sa technique est parfaite, immaculée, son expérience et sa sensibilité rivalisent avec les plus grands chanteurs de soul, c’est le musicien à l’état pur. Il est né pour le violon. Pas étonnant donc qu’il joue avec un instrument légendaire : le fameux Stradivarius Soil 1776, une oeuvre d’art à part entière qui produit un son absolument miraculeux. Il en résulte que la combinaison, la symbiose qui unit le violoniste à son instrument trouve un écho fantastique dans les oeuvres hors normes. Perlman en est, bien sûr, tout à fait conscient et il l’utilise de façon magistrale pour que le public ressente le moindre centigramme d’émotion suggéré par le morceau. Un mot domine son attaque du concerto : fluidité. Là où presque tous les interprètes optent pour marquer les ruptures et les séquences courtes avec une sorte de froideur militaire, notre musicien fait le choix d’une articulation vivifiante, souple et limpide. Dans le premier mouvement, malgré plusieurs sections mélodiques très hachurées, il parvient à insuffler une sorte de relâchement (en plus d’un débit rapide) et assure une jonction entre les différentes parties, offrant à la continuité musicale une cohérence nécessaire doublée d’une élégance qui favorise l’accessibilité des images et des sentiments véhiculés à travers les notes. Il utilise, dans le mouvement suivant, le même procédé en contrepoint du pizzicato de l’orchestre selon une facture qui associe l’innocence à la sensualité. Le ton est langoureux, la gestion du temps gracieuse, l’utilisation du vibrato est divine. Le virtuose transforme cette transition en une confiserie délicieuse. Pour la troisième et dernière partie, la prédominance du violon est une nouvelle fois affirmée d’abord parce qu’il est à l’origine du thème d’ouverture, ensuite parce qu’il se désolidarise de l’orchestre soit via des petites envolées en solo, soit en écrasant les autres instruments. Avec le final, Itzahk Perlman nous fait voyager, son jeu virevoltant se pare d’une impétuosité grandiloquente qui est tout simplement dévastatrice.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Les Quatre Saisons de Vivaldi n’est pas une simple fresque pastorale, sa musique n’est pas, à proprement parler, descriptive. Selon moi, l’oeuvre, dans son ensemble, est à considérer autrement. Sous la loupe du contexte et des quelques écrits du compositeur, je pense qu’il faut comprendre ce quatuor comme une allégorie représentant les étapes de la vie d’un artiste. L’assencion, la révolution, les doutes, le déclin et la mort. Au moment d’écrire l’opus 8, le Prêtre Rouge était au sommet de son art et de sa célébrité mais, très vite, tout a basculé pour finir, et c’est tragique, dans la misère et le dénigrement. Des catastrophes et des chamboulements qui étaient prévisibles puisque l’intimité de Vivaldi était chahutée par des rumeurs de liaisons et ses propres réflexions sur la justesse de sa foi quand toute l’Europe n’était que barbarie, effusion de sang et incertitude. L’ambivalance est donc au coeur des Quatre Saisons comme une sorte de thème général qui souligne la précarité des acquis des individus avec au bout du chemin la grande faucheuse, inévitable, qui dévore les hommes dans leurs cauchemars, leurs productions artistiques, leurs pensées. En conclusion, pour moi, avec le Printemps, L’Été, l’Automne et l’Hiver, Antonio Vivaldi symbolise de manière bucolique le destin fragile de l’Être, ses incohérences, sa profondeur, ses angoisses existentielles, sa superbe imprévisibilité.

Un bond de 3 siècles et nous voici en 2009. Philip Glass (1937) compose, à l’initiative de son ami violoniste Robert McDuffie, un concerto pour accompagner l’oeuvre baroque originale. Entre l’évocation et l’hommage, le Concerto pour violon no. 2The American Four Seasons” est un morceau très encré dans le post-modernisme ou même néo-baroque tel que défini plus haut et ce, dés les premières étapes de la composition. Une idée domine l’art depuis 50 ans, c’est l’arbitraire. Les limites n’existent plus, les règles sont vaines. La subjectivité absolue est de mise. Aussi les productions contemporaines se nourrissent autant de leur créateurs que de la réception spectatorielle, autrement dit la construction de sens est collective et l’interprétation libre. Le compositeur base toute la structure de son essai musical sur cette notion. D’abord il découpe son oeuvre en 4 mouvements interchangeables avant d’y ajouter, à loisir, un prologue et 3 chansons pour l’instrument solo qui peuvent faire l’objet, selon les propres volontés de l’artiste, d’un récital à part entière. L’existence et l’organisation même de la partition s’inscrivent donc dans une ambiance très aléatoire où tout est possible. Ensuite, Glass laisse le soin aux musiciens et au public de choisir quelle partie représente quelle saison, d’après un ressenti individuel, il dira : “(…) an independent interpretation can be tolerated and even welcomed.” , favorisant de facto une grande diversité d’écoutes de la musique. Ce qui rapproche principalement ce concerto de l’original c’est à la fois des citations stylistiques indéniables dans l’articulation du soliste, l’alternance comme principe fondateur, l’utilisation du contrepoint et finalement l’esthétique générale d’harmonies en chiasmes. Post-minimaliste chevronné, Glass était le compositeur idéal pour intrinsèquement se rapprocher du baroque ancestral grâce aux idéaux de répétitions thématiques qui dominent le courant, tout en misant sur une sonorité moderne. On a, par moment, l’impression d’entendre coexister deux temporalités, leurs échos respectifs se répondent note après note, segment par segment. Comme on l’a souligné, une approche uniforme est impossible, je vais donc me livrer à un commentaire de la continuité mélodique en y incorporant ma vision personnelle pour tirer des conclusions analytiques par essence fragiles. La prémisse de mon argumentation se base sur le titre même choisi pour l’oeuvre qui évoque les saisons américaines sous un angle, d’après ma perspective, à grande échelle. La musique, pour moi, dresse un portrait de l’évolution de la société made in us depuis ses origines jusqu’à notre époque. On verra que cette idée permet de rapprocher le macrocosme historique et l’intimité psychologique des mélomanes citoyens et de saisir, à nouveau, un fragment de leur relation avec le temps. Afin d’élaborer mon point de vue sur des fondations claires, j’ai réalisé un découpage non exhaustif de l’oeuvre en m’inspirant de son premier enregistrement studio.

Prologue + Movement I = Spring ( // 18th century) : Les premières notes du solo d’ouverture mettent en place les mini-motifs principaux qui seront variés inlassablement tout au long du morceau. On peut distinguer, via des écarts brusques, toutes les discordances et tout le côté extrême du peuple américain dans cette matrice formelle où les Etats-Unis ne sont qu’un murmure, une sorte de brouillard vague. Puis l’Histoire se met en marche avec l’arrivé de l’orchestre qui débloque la stagnation de départ et apporte une dynamique toujours plus amplifiée. C’est la conquête pour l’indépendance face au marasme, le besoin de la liberté face à l’oppression, le tout sur fond de mort. L’accentuation est faite, dans la musique, sur l’évolution en crescendo (qui n’est pas sans rappeler les méthodes vivaldiennes), avant que l’atmosphère ne tombe dans une nouvelle forme d’apathie, les désillusions face aux grands principes des Pères Fondateurs et leur Constitution ? Le spleen post indépendance ?

Song no. 1 + Movement II = Summer ( // 19th century) : C’est donc le temps des interrogations, souligné dans ce deuxième solo par une répétition pleine de malaise jusqu’à une perte de repères. Ce segment nous pousse vers une recherche identitaire jusqu’à l’épuisement, l’aliénation, faiblit, c’est la voix de la liberté qui décède au coeur des stigmates de l’esclavage. Et la mélodie enchaîne, résolument sombre, désincarnée, tragique. Le rêve américain est mis à mal par les contradictions intenses de son peuple. Tout n’est que tristesse, le violon est un pleurnichement continu que personne n’écoute. C’est la Guerre de Sécession, la jeunesse sacrifiée dans la boue et le froid. Il n’y a dans toute cette partie aucune zone de lumière. La musique est habitée de fantômes, de lamentations, de plaintes. Même les accélérations n’apportent pas de gaité, c’est comme le mouvement inéluctable du temps qui avance et qui détruit. Le monde avance malgré tout, il est une évolution sourde. La beauté du mouvement est prodigieuse, pleine de subtilité. L’épouvante et le cafard sont rimés avec la tendresse et la douceur, alliance fatale pour certaines sensibilités qui trouve ici une pertinence indiscutable. Puis la mélodie se fâne.

Song no. 2 + Movement III = Autumn ( // 20th century) : Le troisième solo fait véritablement oeuvre de transition (c’est le plus court). Il marque une certaine diversification par rapport à ses prédécesseurs tant sur la gestion des thèmes que sur le rythme, l’âme américaine se diversifie avant de plonger dans les turbulences du 20e siècle. D’entrée, c’est la menace et l’animalité qui règnent sur la partition. Le débit est rapide, les associations s’attardent sur des changements presque aggressifs, précipités. Ici nous entendons l’explosion technologique, les révolutions, la guerre permanente, intérieure et/ou extérieure, le son de nouvelles libertés, d’un pays qui change vite, très vite, qui semble insaisissable, d’une puissance phénoménale. Comme pour les autres parties, la musique effectue un temps d’arrêt, plus sec, une pause dans ce parcours chahuté.

Song no. 3 + Movement IV = Winter ( // 21st century and beyond) : On entre, avec le dernier solo de violon, dans un rappel du prologue. Est-ce que l’Histoire tourne en rond ? Ou bien est-ce plutôt le côté citationnel de l’homme moderne qui regarde toujours derrière lui, change d’avis sur le passé, essaye de comprendre les événements qui ont fabriqué sa condition pour justifier un contexte, une dérive ? Le présent surgit et nous emporte. L’Amérique est encore plus rapide, toujours plus névrotique. Cette vitesse est asphyxiante, désaxée, le chaos est partout. Le violon opère des envolées puis des glissandos survoltés. Une parenthèse comme un glas pessimiste et le mouvement repart de plus belle. Glass utilise tout son matériel pour s’exprimer avec une véhémence incroyable bricolée de segments conflictuels. C’est tellement intense, tellement excessif qu’on en a le tourni. On n’a plus le temps de prendre le temps car la société va plus vite que l’être humain. Plus rien n’est sous contrôle. Tout se termine avec un final électrisé qui sonne comme un arrêt cardiaque. ECOUTER sur http://www.deezer.com/playlist/1471967505 Il nous reste à étudier la seconde adaptation, encore plus récente puisqu’elle date de 2012, écrite par le compositeur germano-britannique Max Richter (1966). C’est la dernière étape de notre voyage. Une étape osée puisque l’artiste propose de purement et simplement réécrire Les Quatre Saisons. Le but poursuivi est double : à la fois dépoussiérer une oeuvre qui semblait éteinte ou éculée pour, dans le même temps, la transfigurer selon les standards de la musique actuelle. Génie précoce, héritier minimaliste et touche à tout, Max Richter a brillament relevé ce défi grâce, entre autres, à son langage symphonique mêlant de l’instrumental et de l’électronique comme une synthèse du présent et du passé. Des trois compositions présentées aujourd’hui c’est, sans doute, la plus intimiste et nuancée, comme une recherche intérieure nourrie par la relecture de l’original. L’entreprise, légérement schyzophrène, pose le problème de l’identité artistique et, plus loin, de la condition humaine. Cet ovni labellisé “Recomposed four seasons” se distingue également des oeuvres précédentes par son homogénéité; je veux dire par là que, contrairement aux deux autres, elle s’écoute comme un tout uniforme, sorte de continuité narrative de sons qui progressent au fur et à mesure le long de couches émotionnelles toujours plus secrètes. C’est une mise à nu sentimentale, une expérience sublime vers l’état d’osmose métaphysique. Je propose de vous décrire les grandes lignes méthodologiques nécessaires pour arriver à un tel résultat, sans m’attarder sur certains aspects trop techniques avant de me livrer à un exercise d’écriture automatique pour symboliser le cheminement intérieur que la musique coordonne. Une exploration de l’âme. La processus d’écriture de Max Richter peut être divisé en deux étapes : d’abord la déconstruction minutieuse de la partition de base en micro-segments pour obtenir une cartographie millimétrée des 4 concerti; ensuite le réarrangement personnel de ces petits morceaux avec, comme règle principale, la nécessité d’y laisser une emprunte manifeste sans dénaturer l’essence mélodique de son ancêtre. C’est donc une sorte d’exercise linguistique d’association mêlé à la création de nouvelles phrases grâce à un vocabulaire historique oublié. L’artiste traite son oeuvre avec un soin exemplaire, apportant ses propres thèmes en accompagnement des motifs préexistants avec une refonte de l’orchestration. Le principe structurel du contrepoint baroque est conservé sous une forme originale, à savoir la disparité entre la voix du soliste et celle des autres instruments (y compris éléctroniques) qui se croisent et se décroisent en un ballet sonore exceptionnel où l’accent est mis sur l’opposition entre backround et front music. Au bout du compte, les bribes de Vivaldi sont parfois intactes, parfois morcelées, tantôt raccourcies, tantôt répétées, suggérées, dominantes, accélérées, le tout dans une métamorphose prodigieuse que soutient l’atmosphère électro omniprésente comme une pulsion continue, c’est le système respiratoire de ce morceau.

A présent, comme promis, voici la manière dont mon subconscient interprète le résultat : Brume. Etincelles furtives. Un écho vaporeux à l’intérieur de moi. Je suis jeune. Papillons. Tes yeux qui tremblent. Un sourire et le soleil ou un soleil dans ton sourire. Vert pomme. On tourne ensemble au milieu d’arbres en fleurs. Des cerisiers ? Des tilleuls. Des cerisiers. Une voûte illuminée. Je vois un cygne dans un nuage de pétales soyeux. C’est ton corps contre le mien. Le cou, la poitrine, les hanches, le miel. C’est loin. Hier. Ou plus loin encore. Oui c’est vieux. En noir et blanc. Mes souvenirs de toi s’organisent comme un film muet qui me rend sourd au présent. Je me dissous. Ta bouche contre ma bouche. Contre mon coeur quelques fois. Dans mon esprit, toujours. Des insectes. Un rythme. Clignements. Aller-retours. J’entrevois, derrière un voile capricieux, des formes souples que je pourchasse mais qui m’échappent. La silhouette me fuit. On court de plus en plus vite, à distance égale, en rond peut-être. Quand est-ce que ça s’arrête ? La recherche éperdue. Vide. Le silence me parle. Je m’enfonce encore plus dans ces labyrinthes tortueux qui sommeillent en moi. Tourne à droite. Tourne à gauche. Sois perdu et tais-toi. Puis les idées tombent. Les images défilent. M’écrasent. M’envahissent. Des portraits, des angoisses, des plaisirs, des erreurs, des regrets, implacables. Un médicament. Des pilules et des larmes. En bruit de fond j’entends ma raison qui gémit faiblement, noyée dans un tapis continu de cachets blancs. Poudre. Les mains qui tremblent. Pupilles ouvertes. Le nez qui saigne. C’est assourdissant. L’enfer est un hôpital immaculé. De la lumière. Aveuglante. Mon coeur sonne. Toujours le gémissement qui salive. Un fleuve immobile. J’ai mal au ventre. Glisser. L’eau. Un pont. Le noir des alluvions. Une robe prune. Rien. Course ! Les voitures partout. Tornade de déchets gris. Je cours entre plusieurs millions de portes, toutes fermées. Je suis piégé à l’extérieur de quelque chose. Des pilules survoltées. L’orage. Des cris d’avant. L’univers qui trombe et gronde et fonce et me laisse à côté. Une fuite en avant. “Où” est un pluriel stressé avec de la solitude. En apesanteur. Comme un saut ralenti du haut d’une falaise de visages morts. Un hélicoptère au loin et la rumeur du feu. Dehors c’est la guerre. Dedans c’est changé. Nouvelle étape. Douceur. Insouciance. Je crois qu’Hier est de retour. Il a le hoquet. J’hésite sur un souvenir de nous. Avais-tu repeins les murs de ta chambre quand je t’ai embrassé la première fois ? Les hésitations se multiplient et les évocations, éparses, s’entrechoquent. Quand ton visage se superpose à mon quotidien, je déambule avec désespoir. Tout est toi mais je ne peux pas te toucher ou t’entendre ou te vouloir. Il y a un cri quelque part sous ma peau. Long. Lent. Un animal blessé. Une épave qui scintille. Me soigner ? Deux portes. Une rouge. Une turquoise. Je les regarde. Je ne fais rien. De la fumée tourne autour de moi. Parfum. Inerte. Tout se fige dans le spleen. Le bruit cinglant d’une horloge immense rythme la scène. Stop. Reprendre la marche. Des étoiles filantes. Des fées. Un filet d’eau qui lévite hors du lac et danse au clair de lune. On dirait un turban magique. Ruisseler. Briller. La création. Une machine à écrire. Mais la tension remonte. Gélules. Une armée. Je fuis. Elle m’encerle ou bien elles. Combattre. Avec de la peinture. Avec de la musique. Avec du théâtre. Avec du cinéma. Avec des livres. Avec des sculptures. Des musées, des rêves, des étoiles, des poèmes. Muses. Nymphes. Nature. Impressions. L’Art bouclier de l’Homme. Une bulle d’air et un phare. Un écho paisible. Cette île. Tranquille. Au fond de mon âme. Une voix légère et simple. Ambiance lunaire. Trémolos. Des lignes gracieuses. L’harmonie. Nouvelle immobilité, nouveau centre plus lisse. Les nuages s’amoncellent encore à l’horizon. Tout va recommencer. J’abandonne. Soins. Guérir. Mensonges. L’addiction est à chaque coin de rue. Se noyer. Petit à petit. Je suis un tas de cendres qui n’en finit pas de se consumer alors même qu’il n’existe plus. Je suis une photographie effacée. Une ombre. Le fantôme du chagrin perpétuel. Caché. Les façades. Je suis une prison. Je suis un fauve qui tourne en rond dans une cage. Où que je regarde c’est toi ou le reste, des ovales pernicieux. Je suis un silence.

https://www.youtube.com/watch?v=1_fDidYDQcs

L’Homme “moderne” et l’Homme “baroque” ont en commun des tiraillements qui se jouent au coeur de guerres violentes et de pensées contradictoires. C’est le vécu d’individualités en crise, de populations multiformes toutes dépassées par la société du 21e siècle, sa vitesse, ses extrêmes. Le néo-baroque c’est l’expression des balises existentielles perdues. Les artistes ont pour mission de matérialiser ces déchirements. Les oeuvres sont des discours. Elles nous parlent du monde, elle nous soulagent, nous posent des questions et permettent d’offrir un sens aux événements. Sans l’art, il ne reste que le chaos. J’espère que cet article vous aura fait prendre conscience de l’importance de la musique comme véhicule idéologique, métaphore de vie, expérience sensorielle et psychologique, reflet de l’histoire en marche, des 12 saisons de l’Être, du temps qui passe…