Musiciens, audiophiles, internet nourrit aujourd’hui votre passion du vinyle… Vraiment?
L’initiative Qrates permet à un groupe, un musicien seul, un particulier avec des bonnes playlists d’enregistrer, personnaliser et diffuser un vinyle contenant les pistes de son choix.
Le 33 (ou 45) tours en question peut être pressé entre 100 et 500 fois par commande, taille entre 7 et 12 pouces (= 17 et 30 cm donc respectivement entre 7 et 19 minutes par face en 33 tours et 5 et 14 minutes en 45 tours), se colore selon votre choix.
La couleur ou l’opacité font bien sûr varier le prix total de votre commande; un disque noir, standard, 33 tours 30 cm sans image au centre revient à 8,46 euros la copie et un disque du même format avec l’effet “éclaboussure (splatter)” et une image au centre pas loin de 16 euros la copie. Plus dur à rentabiliser, et bon clairement pas très beau:
Etape suivante.
Mettre votre musique en ligne afin qu’elle soit enregistrée sur un vinyle.
Le(s) fichier(s) doi(ven)t être en .wav, qualité sur laquelle je reviendrai plus tard. Le site propose même d’ajouter une bonus track à condition de vendre votre musique en ligne (oui, c’est une option aussi).
Du reste, tout fonctionne comme sur un vinyle; vous organisez les pistes en A et B side (max 19:30 par face), vous envoyez les fichiers, et le tour est joué. Evidemment, si vous voulez sortir un 45 tours avec un single et une face B, sélectionnez les options 7 inch et 45 tours, auquel cas vous paierez environ 2 euros de moins par copie.
Pressez.
Enfin pas immédiatement.
Le site vous offre, à ce stade, deux options : vendre votre “back catalog” (les oeuvres que vous avez produites jusque là, incluant votre nouveau vinyle) ou construire un projet de financement.
A partir de là, tout est entre vos mains : le prix de l’album digital (à télécharger), le prix du vinyle, la marchandise additionnelle (au cas où vous voudriez faire des portes-clés à l’effigie de votre groupe ou projet solo).
Qrates calcule ensuite vos profits théoriques en fonction du coût de pressage et du prix de vente, du nombre de copies que vous avez décidé de mettre sur le marché et (surprise) auquel il faut enlever 15 %. Détail non négligeable; ce sont 15 pourcent que le site prélève sur le bénéfice engendré par la vente du vinyle et des produits additionnels avant que ne soit ponctionné le coût de pressage. Donc sur mon vinyle à 20 euros que je vends en 100 exemplaires le site récupère 300 euros, je paie 846 euros pour faire presser mon oeuvre 100 fois et fais (si je vends tout) 854 euros de bénéfice.
L’initiative reste néanmoins intéressante car elle offre une certaine visibilité et attend que 100 personnes aient commandé votre disque en ligne avant de le presser. Relativement plus sympa que de se retrouver avec 100 copies sur les bras à écouler soi-même.
Critique
Malgré son ergonomie applesque et sa prise en charge presque infantilisante des artistes, Qrates possède un énorme défaut. Il considère le vinyle comme un objet, un bel objet vintage, sans plus. Bien sûr, vous pouvez créer une magnifique pochette pour emballer le vinyl bleu-transparent que vous placerez dans votre lecteur avec le sourire sage d’un amateur de musique de longue date mais tout cela n’est que poudre aux yeux.
Rappelons que le format .wav standard possède une fréquence d’échantillonnage (fréquence à laquelle un même fréquence sonore est enregistrée) de 44,1 KHz, pouvant (en studio professionnel) monter jusqu’à 96 KHz et une valeur d’encodage (plus il y a de bits, plus l’amplitude sonore à un moment donné sera enregistrée avec précision; un peu comme les pixels/cm sur une photo instantanée) de 16 bits (pouvant passer à 24 -plus professionnel, encore une fois).
Je vous laisse digérer tout ça.
Donc, pour ces valeurs (44,1 KHz en 16 bits) la qualité d’enregistrement sera de 1411 kb/s, ce qui donne un fichier relativement lourd, en qualité CD. Bien sûr, ce fichier n’est pas compressé, mais le son enregistré l’est (inévitablement), puisque les fréquences rendues ne montent que jusqu’à 20000 Hz. Certains argumenteront que l’oreille humaine ne peut, de toute façon, entendre que jusqu’à 20000 Hz et que, du coup, il est inutile d’enregistrer en qualité supérieure. Cet argument ne prend pas en compte les harmoniques des instruments et la hauteur à laquelle elles peuvent se situer dans un ensemble: ici, à 90000 Hz les sons sont encore détectés (il s’agit d’un enregistrement à 192 KHz).
Même si l’oreille ne peut pas détecter et reconnaître ces sons, ils font partie des détails subtils, du monde de différence entre un enregistrement normalement analogique (vinyle) et un enregistrement digital (.wav, .mp3, .aiff, .flac etc). L’analogique permet d’obtenir, en plus des hautes fréquences, un meilleur rendu de la spatialisation des instruments lors de l’enregistrement (d’obtenir un rendu tout court, d’ailleurs).
En bref.
Pour en revenir à nos moutons, Qrates vous permet de presser un vinyle, soit un disque (normalement) analogique, sauf que la musique que vous leur fournirez pour ce faire, digitale et compressée, sera en qualité CD. Même si vous avez les moyens financiers (matériel studio pro) de produire un fichier de qualité supérieure (toujours digital), et de leur envoyer, ne vaudrait-il mieux pas consacrer cet argent à un vrai enregistrement analogique studio?
Le site vous permet de frimer avec un beau disque noir vintage, l’emballage et la classe qui va avec, sans intégrer la composante essentielle pour tout amateur de ce format digne de ce nom : la qualité!
A bon hipster, salut.