Molenbeek, moulin à culture Part. 3: Vers une politique qui rassemble
05 Juin 2016

Molenbeek, moulin à culture Part. 3: Vers une politique qui rassemble

Nous nous rendons aujourd’hui à la maison

05 Juin 2016

Nous nous rendons aujourd’hui à la maison communale de Molenbeek, pour continuer l’enquête sur la culture dans cette commune désormais mondialement connue. Sarah Turine nous accueille et nous offre un nouvel angle pour voir les choses. Bien qu’elle n’ait pas la culture sous sa tutelle, l’échevine des politiques de jeunesses, des cohésions et préventions sociales ainsi que des dialogues interculturels a une bonne vision du sujet, de ses problématiques et ce vers quoi il faut se diriger pour un meilleur avenir.

Pour Sarah, l’enjeu au niveau communal est clair : créer le lien entre les institutions culturelles avec le public molenbeekois qui n’a peut-être pas accès de façon automatique à ces disciplines artistiques là. Car oui, la commune regorge de projets culturels, il faut dire que Molenbeek a des avantages non négligeables pour les attirer. « Il y a énormément d’acteurs culturels et artistiques qui sont présents par opportunité sur ce territoire, vu que la commune n’est pas très chère et qu’il y a quand même pas mal d’anciens sites industriels qui ont pu être réhabilités à d’autres choses (La Vallée, compagnies de Danse, IMAL, MIMA, …). ». On peut aussi citer la maison de la culture et de la cohésion sociale, qui non seulement rend cette culture plus accessible mais en plus valorise les différences présentes dans cette commune cosmopolite.

Sarah Turine

Bien sûr, elle est consciente que d’autres acteurs phares se portent moins bien, tel le VK, mais elle se trouve un peu impuissante pour leur venir en aide. « Nous n’avons malheureusement aucun poids par rapport à ça. On peut apporter un soutien moral et public, d’ailleurs on va faire passer une motion au niveau communal pour soutenir le VK mais on ne sait pas faire grand chose d’autre. On n’a pas les capacités financières. » Les pouvoirs subsidiant se trouvent un échelons plus haut, et impose naturellement un cadre qui restreint la liberté des acteurs culturels. « Toute la difficulté pour ces acteurs de terrain c’est d’en même temps pouvoir garder leur identité propre tout en acceptant de rentrer dans leur cadre. »

Si la politique bruxelloise comporte de nombreux problèmes, il y en a un qu’elle trouve particulièrement révoltant. « Quand on doit être sexué linguistiquement pour avoir droit à des subsides, c’est hallucinant. Ça  divise au lieu de rassembler. Il faut voir comment les pouvoirs subsidiant à Bruxelles peuvent travailler davantage ensemble pour permettre une meilleure émergence bruxelloise. » Les projets bilingues se font rares, le secteur de l’enseignement en fait aussi les frais, avec des écoles qui sont coupées en deux. « Les enfants néerlandophones et francophones ne se parlent plus alors qu’ils doivent quand même vivre dans les mêmes quartiers. » Un problème gênant, alors que ce bilinguisme pourrait être l’une des forces de Bruxelles, pourrait lui donner une identité bien à elle.

Car oui, l’identité de cette ville est assez nébuleuse, on s’y perd un peu entre le statut de la ville et de la région. « Avant la création de la région bruxelloise il y avait la commune de BX qui avait tous les lieux stratégiques de Bruxelles en son sein. Je pense qu’au moment de la création de la région bruxelloise, on aurait dû revoir un petit peu les frontières des communes. Mais c’est un sujet très tabou, parce qu’aujourd’hui on se retrouve un peu avec un état dans l’état et ça joue dans les politiques touristiques, culturelles,… il y a une disproportion dans ce que la ville de Bruxelles peut décider par rapport aux enjeux de la région bruxelloise.» Le sujet reste sensible et il semble hélas bien compliqué de changer les choses.

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En attendant, d’autres choses doivent évoluer pour qu’on puisse promettre un avenir radieux à la culture. Et la première est qu’il ne peut plus y avoir de culture à 3 vitesses. «La culture c’est en même temps la valorisation de ce qui fait nos identités et donc de nos racines, mais c’est aussi ce qui est le miroir de notre société, ce qui vient l’interroger. Il y a la culture qui est accessible à un public instruit ou qui a les moyens financiers. La culture de masse, qui est celle qui ne joue finalement plus ce rôle de valorisation ni de questionnement, et puis la culture des quartiers, de ceux qui n’ont pas accès à cette culture contemporaine. L’enjeu, c’est de faire le lien entre ces politiques culturelles de quartier et plus élitistes. » Une différence qui a notamment comme conséquence que certains acteurs soient plus connus à l’étranger que dans le quartier lui-même. « Quand on voit iMAL qui a une reconnaissance internationale mais n’est pas connu par les molenbeekois, ça ne va pas.». Un tel lien serait un progrès non négligeable, tant la culture est importante à ses yeux : c’est elle qui tire la société vers le haut.

C’est aussi un outil d’émancipation pour la jeunesse, du moins si on lui en donne l’occasion. « Les pouvoirs publics ont parfois peur de donner des subsides à des projets qui vont finir par les critiquer, hors le contre-pouvoir est important, la société civile est importante et la culture est un des meilleurs outils pour nourrir ce contre-pouvoir. C’est pareil pour la jeunesse, on doit pouvoir lui donner des espaces pour qu’elle puisse s’exprimer, même si ce que ces jeunes vont exprimer n’est pas nécessairement en accord avec le discours majoritaire ou bien pensant.» Une chance à leur donner, tout en favorisant un dialogue avec les institutions démocratiques. « C’est important que leurs colères et sentiments soient développés via des projets culturels tout en leur permettant de garder confiant en ces institutions démocratiques. » Un objectif qui demande encore bien du travail, mais avec tous les projets culturels qui naissent dans cette commune, il y a de quoi être tout de même très optimiste.

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