Molenbeek, moulin à culture Part. 2: La Vallée de la créativité
15 Mai 2016

Molenbeek, moulin à culture Part. 2: La Vallée de la créativité

De retour à Molenbeek, on change un

15 Mai 2016

De retour à Molenbeek, on change un peu d’ambiance en se dirigeant vers La Vallée. Cette ancienne blanchisserie de 8000M²  accueille pas moins de 95 artistes en tout genre contre un loyer abordable. Le projet n’a même pas 2 ans mais connaît une popularité grandissante, débordant de demandes dont la plupart ne pourra être satisfaite. Pierre Pevée travaille pour SMart et développe pour eux ce projet dont il est manageur et directeur. Il nous en dit un peu plus sur ce sujet qui lui tient tant à cœur, sur son quartier et la culture en général.

Photo: Emilie Danel

Photo: Emilie Danel

La création de La Vallée part d’un simple constat : les personnes dans le domaine de la création ont besoin d’un espace de travail à un loyer abordable, ces gens ont souvent un faible pouvoir d’achat. Ils ont alors accueilli tout type d’artistes : plasticiens, graphistes, peintre, photographes, … pour un loyer moitié moins cher que la normale, tous services inclus. C’est alors qu’ils sont arrivés à un deuxième constat : « Le fait de mettre des gens du domaine de la création ensemble qui travaillent dans un même bâtiment crée des interactions et des connexions entre les gens et élève leurs niveaux de travail». Le concept plaît, si bien qu’actuellement Pierre reçoit 4 à 5 demandes par jour, que ce soit de curieux ou de personnes vraiment intéressées. Seuls des espaces partagés son encore disponibles, le choix des artistes est donc encore plus compliqué que pour des bureaux privés. « La grande difficulté est qu’il faut arriver à trouver des personnes qui, non seulement s’entendent bien, mais également qui ont des activités compatibles afin qu’ils puissent échanger les uns les autres ». Ils créèrent donc des espaces communs spécialisés, certains dédiés aux plasticiens, d’autres à la construction, et d’autres encore à la création numérique,…

Les artistes sont sélectionnés selon trois grands critères. Le premier est qu’ils doivent être des professionnels de la création. « Les gens qui veulent faire de la création leurs métiers seront physiquement présents dans la journée. Si ce n’est qu’un loisir, ils ne viendront que quelques heures par semaine et il n’y aura pas d’échange avec les autres ». Ensuite, pratiquer une compétence qui n’est pas encore dans le bâtiment est un plus incontestable, La Vallée veut se diversifier un maximum dans le travail, mais aussi dans les personnalités. Une certaine ouverture d’esprit est donc demandée. Ce qui nous donne des artistes tous différents les uns des autres. « La différence amène la richesse, c’est très important pour moi qu’il y ait vraiment différents types de profils. »

La Vallée BC

Photo: Emilie Danel

Mais un tel bâtiment, ça se paie. Le projet arrive à se financer à 65%, pour le reste, c’est SMart qui s’en occupe. « Sans SMart, le projet n’existe pas. La fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas en posture pour amener des fonds comblant le manque à gagner ici, ce n’est pas leur rôle. SMart a 60-70 000 membres qui font des demandes de subsides pour leurs propres activités, on pense qu’on ne doit pas aller chercher les subsides qui sont accessibles aux membres ». Ils sont à la recherche de partenariat privé, que ce soit en sponsoring ou mécénat, mais font une croix sur le financement public. « L’avenir des projets culturels est plus intéressant si ceux-ci sont viables sans financement public. Ils peuvent être un plus mais le but est d’arriver à la rentabilité par notre propre activité ».

> À (re)lire : Molenbeek, moulin à culture Part. 1: le VK en danger

Vu la crise qu’on traverse actuellement, les arrêts de subsides, notamment de la communauté flamande,  ne l’étonnent pas. « Ils ont beaucoup investi à l’époque, il y avait une volonté de flamandisation de Bruxelles, mais maintenant ils ont un peu retiré leurs billes et n’ont plus les moyens ». Pierre ne blâme cependant pas les autres institutions, et est notamment dans l’incompréhension pour la situation du VK. « Le VK a vraiment un gros impact dans le quartier et je ne comprends pas pourquoi on leur retire du budget. Il y a des problèmes dans cette commune et le travail du VK est remarquable au niveau social».  Une erreur donc selon lui, qui prône une meilleure réintégration des populations défavorisées. « On arrivera à réintégrer ces gens dans la société actuelle et établir des connexions avec les autres communautés en les mettant en valeur et pas en fliquant les quartiers ».

Photo: Emilie Danel

Photo: Emilie Danel

Le quartier de Molenbeek semble lui beaucoup plaire à Pierre. Venu s’installer là entre autres pour les prix accessibles et l’accessibilité, il s’est depuis bien intégré et apprécie l’atmosphère qui s’y dégage. « Il y a vraiment une multiculturalité qui est très riche, et qui peut donner certaines influences et enrichir les différents projets. Ce quartier est hyper agréable à vivre, il y a des petits commerces locaux. On a une impression de proximité avec les commerçants. A Ixelles ça parle moins, il y a moins de chaleur ». Il reste néanmoins pas mal de travail avec la population défavorisée. Si la Vallée a déjà proposé plusieurs actions, l’organisation préfère désormais laisser cette partie du travail à une ASBL de Forest, ayant implanté une antenne à Molenbeek. “C’est un travail de tous les jours d’aller à l’encontre des gens. On n’a pas une équipe assez développée pour ça donc c’était plus adapté de leur laisser ce travail. C’est une ASBL qui donne des écoles de devoirs, des cours de rattrapages, des cours de langues pour les enfants, et qui aide aussi à la professionnalisation des femmes ». Ce qui n’empêche pas Pierre d’encourager les jeunes à venir voir les expositions et autres activités organisées par La Vallée.

Au-delà de Molenbeek, il est optimiste pour l’avenir de Bruxelles et sa culture. La ville a tout pour se développer selon lui. “Bruxelles a un atout à jouer de par sa position au cœur de l’Europe. On est aussi dans une des capitale les moins chères au niveau de l’immobilier. Le New York Times disait dans un article que Bruxelles était le nouveau Berlin. C’est un peu exagéré mais il y a certaines similitudes qui peuvent amener la ville à un niveau supérieur. Cependant on ne doit pas être le nouveau Berlin, mais le nouveau Bruxelles ». En effet, avoir sa propre identité est quelque chose d’essentiel à ses yeux. “C’est hyper important. Pour moi la richesse de la Belgique, c’est justement la rencontre entre la culture flamande, germanique, et wallonne, latine. Ce sont deux manières de penser différentes, un choc qui fait notre spécificité et nous rend hyper attractif ». 

Dans ce futur qu’on espère aussi beau, la Vallée compte bien continuer son petit bonhomme de chemin. “On a plusieurs rêves. J’aimerais que la communauté soit plus grande et que le projet s’autoporte, c’est à dire que les activités financent le projet. A partir de ce moment on pourra encore plus aider les créateurs en donnant accès à de nouveaux services comme une cafétéria, un shop, une salle de concert, … Pour ça, il faut ramener des gens, qu’ils se disent “si on va à la vallée, on est sûr qu’il y a quelque chose à faire » ». Encore tout jeune, c’est tout le bien qu’on souhaite au projet et il y a de quoi être optimiste au vu de son évolution.

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