Et TAK!
Ah la batterie…!
Parfois moqué par ses camarades musiciens pour ses lacunes en harmonies, souvent respecté et admiré pour ses solos trempés de sueur, le batteur est un bien étrange protagoniste dans le monde de la musique. Indispensable ? Sûrement pas. Le choix de l’ajout de percussions ou non dans un morceau ne repose que sur des critères personnels. Cependant, reconnaissons-le, l’énergie provient en grande partie de notre ami frappeur et de son instrument. Sceptiques ? Attendez la suite !
Avant tout, comment ça marche une batterie?
Pour résumer de manière honteusement courte, le charleston et la caisse claire marquent les temps, souvent (standard) le charleston est joué deux fois plus rapidement que la caisse claire, nous verrons que beaucoup de morceaux, d’artistes, de styles, jouent sur ce rapport charleston-caisse claire (par exemple en rap, on peut encore entendre régulièrement un charleston accéléré pour une rythmique grosse caisse/caisse claire lente). Il n’en est pas moins qu’un “poum tchac“, base du rythme en batterie (se référer à n’importe quelle chanson d’AC/DC) fonctionne sur ce principe. La grosse caisse, en “poum tchac” marque dès lors les premiers et troisièmes temps tandis que la caisse claire s’occupe des deuxièmes et quatrièmes. Les cymbales marquent les temps forts, les breaks, la fin d’une mesure (4 temps dans beaucoup de cas) et sont beaucoup utilisées à la place du charleston dans le refrain,
leur vibration, leur résonance, amenant de la puissance supplémentaire. Les toms, eux, permettent au batteur de créer des breaks (passage d’une partie à une autre de la chanson, d’une mesure à une autre) ou encore d’accentuer certaines phrases musicales, puisqu’ils sont plus ou moins aigus ou graves en fonction de leur taille.
Revenons à notre grosse caisse. Son rôle est aussi de marquer les temps forts de la chanson, c’est pourquoi elle est très souvent jouée en même temps que les cymbales (ou le charleston ouvert) et utilisée pendant les breaks. Contrepied de la caisse claire, elle est étroitement liée à ligne de basse et donne le boost au morceau, la puissance sombre qui fait vibrer les poitrines lors des concerts.
La caisse claire et la grosse caisse peuvent s’anticiper l’une l’autre (court kick de grosse caisse avant le coup de caisse claire par exemple) pour des effets toujours plus groove, agréables, surprenants.
Le “Poum Tchac”
Magnifique exemple du rythme le plus basique de la batterie, vous apprécierez aussi les coups de cymbale (accentués de grosse caisse, écoutez bien) marquant les transitions.
Le “Groove”
Munis des connaissances de bases en batterie, vous allez pouvoir vous lancer à la découverte de la suite…
The Aristocrats – Get It Like That
(Album : The Aristocrats)
Le début du morceau (Jusqu’à deux min.) est marqué par une sensation de flottement, se clarifiant progressivement autour du riff principal, tendant à devenir une ambiance stable. Au tout début du morceau, la caisse claire est présente mais presque invisible, elle participe de l’ambiance générale et avant l’apparition du riff principal elle va se démarquer de plus en plus, pour donner une consistance bien plus solide à cette intro. 1 :00 sonne et la séquence est claire, le rythme clairement défini. Seulement, quelques instants plus tard elle va se raréfier à nouveau, laissant la guitare et ses alternances de phrases et d’accords créer une atmosphère. Elle marque les temps forts, tout en gardant le rythme au charleston mais ce n’est vraiment qu’à 1 : 54 qu’elle va prendre la direction rythmique.
Faisons une pause ici. Le morceau, tout du long, alterne les phases discrètes et totalement rythmées (retour à 3 :07 d’une phase rythmée).
Si la basse possède aussi une grande part de responsabilité dans la définition des sections rythmiques, la batterie est le repère choisi par nos oreille, la caisse claire (et c’est bien pour cela que j’aborde le sujet) nous donnant exactement la mesure du temps et l’interprétation de la mélodie (lourde, légère, brumeuse, rapide, énergique…). Attention, c’est un travail à double sens ! En effet, si la batterie « décide » de l’interprétation rythmique, elle se doit toutefois de respecter une certaine justesse par rapport aux éléments apportés par les autres instruments. Le travail de batteur est, par conséquent, un travail d’orfèvre, il doit avoir l’oreille fine, entendre et ressentir les temps forts, les contretemps (marqués par la caisse claire car plus légers), les rythmes bancals mais aussi les dissonances éventuelles, les tensions harmoniques, et les ponctuer correctement.
Par exemple, après un retour du rythme précis vers 4 :38, (précédé d’une phase intéressante où tous les temps sont marqués et qui donne un côté tendu mais joyeux entre 3 :40 et 3 :51) et un break aux sonorités très conclusives (4 :54-4 :56) la caisse claire se perd à nouveau dans un paysage flou. Seulement, vers 5 :00, l’intensité du jeu du batteur augmente, il place un solo (la caisse claire sera alors utilisée comme un élément du tout, servant ici de point de départ pour certains motifs, là de marque de repère…). Ce passage illustre parfaitement le rôle d’une caisse claire stable dans un morceau, le solo de batterie étourdit l’oreille ; sans repères, le tout paraît confus, bancal.
Deux éléments rythmiques des plus intéressants se présentent ensuite à nous : l’augmentation non pas du tempo, mais des coups de caisse claire (la vitesse, ou l’impression de vitesse) et l’utilisation de la caisse claire lente (lourde), très fréquente en métal.
6 :10, notre bonne vieille section rythmique rappelle à nos oreilles (2° et 4° temps marqués) la teneur du morceau et sa consistance d’origine ; on retombe sur nos pattes. La caisse claire doublée (marquant tous les contretemps) apparaît à 6 :23, énergisant le morceau, le rendant encore plus sautillant, donnant l’impression d’accélération, l’illusion que le morceau a doublé son tempo (c’est en réalité la batterie qui a doublé son tempo, la grosse caisse accompagnant cette accélération).
La « section métal » apparaît à 6 :38, la caisse claire ne marque plus que le 3 °temps de chaque mesure. Evidemment l’effet « lourd » est aussi dû à une utilisation généreuse de la double pédale, support dans les graves et des cymbales, puissantes, marquant les temps forts. Le tout s’achève par le riff basse guitare dont tous les temps sont accentués par la batterie ; en premier lieu la caisse claire puis les toms enfin les cymbales et la grosse caisse.
J’en ai fini avec “Get It Like That“.
Vous aurez remarqué que je passe volontairement certaines parties du morceau et que mon analyse se porte sur certains fragments précis. De plus il ne s’agit ici que de ma vision personnelle du sujet basée uniquement sur mon expérience (auditive) de la musique.
J’ai pour objectif d’enrichir, d’affiner votre oreille, d’augmenter votre conscience de la musique, des éléments qui la composent et de la manière dont ils interagissent entre eux.
Si la musique me passionne, c’est justement parce qu’il y a tant à écouter, toujours plus à découvrir, et qu’un élément isolé et simple comme la caisse claire pourrait faire l’objet d’un ouvrage littéraire (tâche à laquelle je ne me risquerai pas).
En espérant vous avoir été utile (même un peu), je vous souhaite une écoute toujours plus précise, plus étonnante, étonnée et surtout plus éveillée !