Docteur! Mes arcades brûlent! Ai-je le cerveau en feu?
03 Juil 2012

Docteur! Mes arcades brûlent! Ai-je le cerveau en feu?

Si remporter des prix est synonyme de

03 Juil 2012
Si remporter des prix est synonyme de succès, on peut affirmer sans se tromper que la formation Montréalaise Arcade Fire a le vent dans les voiles. C’est le moins que l’on puisse dire d’eux, puisqu’ils ont raflé pratiquement tous les prix qui leur étaient accessibles en 2011, censés être distribués de manière à les partager entre une panoplie d’artistes. 

 

Meilleur album de l’année aux Grammy’s 2011, album de l’année, groupe de l’année, auteur-compositeur de l’année et album alternatif de l’année aux Juno 2011, et, comme si ce n’était pas déjà assez, ils ont obtenu les mentions de meilleur album et de meilleur groupe international aux BRIT Awards 2011. Le pire dans tout ça, c’est que ce n’est que le total des mentions reçues pour leur tout dernier album, The Suburbs. Leurs autres disques, Funeral et Neon Bible, n’étaient quant à eux pas non plus passés inaperçus et s’étaient mérité quelques récompenses bien à eux.

 

Par ailleurs, les membres d’Arcade Fire ont exploité ce soudain accroissement de leur popularité en mai dernier pour inciter la population canadienne à se rendre aux urnes, le moment venu. Leur message ne s’arrêtait toutefois pas là; profitant de l’occasion, ils y sont allés d’une critique drastique et sans aucune retenue des conservateurs de Stephen Harper, en plus de dénoncer les mauvaises décisions qui ont été prises depuis leur entrée au pouvoir, insistant sur certains évènements marquants comme l’exploitation des sables bitumineux en Alberta, les arrestations massives lors du G8 et du G20 et le refus canadien de continuer à participer au protocole de Kyoto. Il semblerait que leur appel au vote ait fonctionné, puisqu’il a été repris à l’université McGill, où bon nombre d’étudiants se sont massés sur le terrain extérieur de l’établissement pour réaliser un court-métrage dans lequel ils énoncent haut et fort leur intention de voter. La chanson The Month of May, qui se retrouve sur l’album The Suburbs partage la vedette pour la trame sonore de cette brève réalisation.

 

Win Butler kanpe

Les fondateurs et compositeurs principaux du groupe, Win Butler et sa femme Régine Chassagne, sont éminemment impliqués apoint de vue humanitaire, Haïti étant leur préoccupation principale. Ils ont effectivement fondé l’organisme KANPE (qui signifie se tenir debout en créole) pour tenter d’enrayer la pauvreté et de favoriser l’autonomie des populations locales de la petite patrie francophone des Caraïbes. De plus, ils ont fait don de sommes d’argent plutôt considérables à ce pays sous-développé, sortant directement des poches des divers membres de la formation. La bande s’y est d’ailleurs rendue pour un spectacle qu’on peut presque qualifier de privé, vu le nombre restreint de spectateurs présents. La chanson Haïti, un morceau de l’album Funeral qui traite des conflits ayant amené la chanteuse et sa famille à fuir pour le Canada alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, y a notamment été interprétée.

Mort ou naissance?

Comme une obscure luminosité, une intense douceur ou encore une explosion créatrice, Funeral est tel un oxymore musical. Par un son indie rock hors du commun, Arcade Fire ne peut qu’épater.

Dès la première chanson, Neighborhood #1 (Tunnels), une ambiance surréaliste nous tire hors de notre quotidien. Couplée à la sincérité de la voix de Win Butler, nous voilà transportés dans leur imaginaire. Par un calme déchaîné, l’impression d’être dans un tunnel sonore nous envahit. La chanson qui suit, Neighborhood #2 (Laïka), est empreinte d’une tension mélodique qui semble venir d’ailleurs. À chaque note, on ressent l’éclatante passion de chacun des huit musiciens, faisant grimper la tension cran par cran.

Après la mélancolique Une année sans lumière retentit l’indomptable Neighborhood #3 (Power Out), que l’on apprivoise rapidement. D’une ferme fluidité, la construction musicale de ce joyau est étincelante! Marquée par de sauvages accords et par l’émotion des paroles (and the power’s out in the heart of man), la puissance de ce morceau nous laisse pantois.

Nous avons ensuite droit à un répit sur l’apaisante Neighborhood #4 (7 Kettles), tout de suite suivie par les tourments de Crown of Love. Dans cette majestueuse combinaison d’accords, de chœurs et de violon, le chanteur nous transperce le cœur.

Nous parvient alors, sur une répétition d’accord, l’hymne de la renaissance. Wake Up, tel un cri de guerre, nous ramène sur terre à grands coups d’espoir. Sur un son rappelant David Bowie, cette chanson introduit à merveille la force de la fin de l’album.

Avec Haiti, Régine Chassagne nous chante sa mère-patrie par d’éloquentes paroles.  On retrouve encore ce chamboulant contraste entre les paroles et la trame sonore. Sur la légèreté d’une rythmique de plage, les échos du cœur de Régine sont troublants. La fin de la chanson introduit le début de Rebellion (Lies). Cette entrainante chanson, par son rythme de batterie, la beauté de la mélodie du violon ainsi que l’intensité du chant, ne peut que nous envouter.

Avec In the backseat la conclusion de l’album se fait en beauté. Régine revient nous chanter ses émotions dans une romance fabuleuse. Sa langueur se mélange à ses cris d’espoir (I’ve been learning to drive my whole life). Enfin, sur l’écho d’un violon se clôt cet album, ce chef d’œuvre qu’il ne faut sous aucun prétexte manquer!

Divine fluorescence

ArcadeFire_neon bible

Après leur premier succès, le groupe décida qu’il lui fallait un lieu d’enregistrement particulier. Toujours à la recherche de nouvelles sonorités, ils trouvèrent alors dans le patelin québécois de Farnham une petite église servant à l’époque de café. Ils l’achetèrent et la transformèrent en studio d’enregistrement privé.

Décidément le plus intéressant des trois, le second album d’Arcade Fire est religieusement différent de leur précédent. Sur Neon Bible, les préoccupations des membres du groupe s’étendent au-delà des limites qu’ils s’étaient préalablement fixées avec Funeral, dont les thèmes étaient plutôt centrés sur leurs propres vies. De cet album, dans lequel le deuil devient planétaire, se dégage leur colère, leur répréhension ainsi que leur empathie.

Leur première chanson, Black Mirror, nous projette dans un proche futur où n’est reflétée que la désolante égocentricité de l’espèce humaine (Please show me something that isn’t mine / But mine is the only kind that I relate to. — Le miroir casse / The mirror casts mon reflet partout). Ce chef d’œuvre est, sans conteste, une des plus belles pièces de l’album.

Vient par la suite la balade Keep the car running, qui, par un lent départ, finit dans une intensité lumineuse, tel un crescendo contrôlé à la perfection. Leur réelle volonté de fuir vers un monde meilleur rend les musiciens passionnés et passionnants. La troisième chanson est éponyme à l’album; Neon Bible est psychédélique, rythmée et expérimentale. Par ses sons monastiques, elle perce notre carapace pour donner une phosphorescence sacrée à notre environnement.

Vient alors Intervention. Sur un son ecclésiastique, notamment dû à l’orgue, la chanson dénonce le pouvoir de l’église d’antan (I’m working for the church while my family dies). Plus que dans toutes les autres, il est possible de ressentir la profondeur et les réverbérations des sons enregistrés dans l’église. L’auditeur averti pourra d’ailleurs y reconnaître de subtiles notes de triangle, instrument peu utilisé normalement dans ce genre de musique. Black Wave/Bad Vibrations suit avec un rythme progressif entraînant. Loin d’être la meilleure pièce de l’album, elle se forge une ambiance bien à elle, partagée entre le malaise et l’inconfort.

Ocean of Noise commence sur un rythme léger, augmentant légèrement en intensité tout au long de la chanson. L’orgue, avec ses graves prononcées, est l’instrument maître de la chanson, faisant toute son intensité et son ambiance. Le violon surgit vers la fin, faisant pour sa part le charme et la mélancolie du morceau. Succède alors The Well and the Lighthouse sur une répétition rythmée d’accords de guitare. On y entend Régine et Win chantant l’un après l’autre, s’unissant par moment pour notre plus grand plaisir!

Le morceau suivant, (Antichrist Television Blues) est, à mon avis, le plus beau de l’album. Le chant entraînant de Win combiné aux percussions et au back vocals des membres du groupe ne peut qu’impressionner.  L’expression du dégoût de la société moderne, de la vie citadine bien rangée et du travail de bureau est frappant (I don’t wanna work in a building downtown). À écouter avec attention et ce, plusieurs fois pour apprécier pleinement la resplendissante magnificence de ce bijou musical.

Après vient la sobre Windowsill, un beau morceau traitant du refus du modèle établi, du désir des jeunes de changer le monde plutôt que de l’accepter tel que leurs parents leur offrent. No Cars Go est la chanson suivante. Un seul mot pour la décrire : Wow! Nous projetant littéralement dans leur enfance, le groupe se surpasse en nous faisant ressentir ce qu’ils ont vécu ainsi que leur volonté de partir à la découverte du monde sans savoir où cela les mènerait (Children, let’s go / Don’t know where we’re going).

L’album se clôt sur la langueur de My Body is a Cage. L’impression d’être coincé dans son corps est bien présente; selon Win, le seul moyen de sortir de cette prison est de s’en délivrer par notre esprit (My body is a cage / That keeps me from dancing with the one I love / But my mind holds the key). Cette chanson est tout à fait originale, complètement unique. Une superbe conclusion à ce digne héritier de Funeral.

Banlieues paradoxales

Si vous avez comme moi grandi à la campagne, quelque part au fond d’un champ ou près d’un lac entouré de forêts montagneuses, avec comme symphonie quotidienne le chant des oiseaux, le bruit des ruisseaux, des insectes, du vent dans les branches ainsi que celui, oh combien sacré, du silence, vous pouvez probablement éprouver de la difficulté à concevoir ce que vivre en banlieue peut représenter. Les banlieues, là où les champs font place aux stationnements, où les piscines municipales sont les principaux plans d’eau, où les montagnes sont remplacées par des centres d’achats et où les forêts ne sont plus que vestiges, divisés ça et là en maigres bouquets.

arcade fire the suburbs cover

Là aussi où les insectes sont remplacés par des gens, toujours plus de gens, paradoxalement aussi pareils que différents les uns des autres, s’entassant, s’empilant, s’emboîtant presque parfois, à l’image des foyers peuplant nos banlieues. Mais surtout, là où le chant des oiseaux est substitué par celui des klaxons et où les divers sons de la nature sont supplantés par un univers sonore in extenso urbain. Cet univers, on le retrouve dans le tout dernier album The Suburbs du groupe Arcade Fire. Le disque brosse un portrait personnel mais tout de même assez fidèle de la vie suburbaine qui éclairera certainement les campagnards et les citadins parmi vous.

Le groupe avait déjà touché au thème du quartier dans leur premier disque Funeral, avec ses quatre Neighborhood. Sur The Suburbs, la suite logique des quatre pièces est remplacée par une suite thématique de la totalité des morceaux de l’album. En progressant au travers des seize pièces qui composent cette œuvre, on refait le cheminement du début de vie des membres du groupe, alors qu’ils évoluent et grandissent, entourés par l’uniformité, la laideur et l’ennui des banlieues, allant malgré tout de l’avant et gagnant en maturité à mesure que les années avancent.

 

«Ce n’est ni une lettre d’amour, ni une mise en accusation adressée aux banlieues, c’est une lettre provenant des banlieues.» déclarait Win Butler en entrevue au magazine NME (page 24) en juillet 2010.

win butler

Et j’ai bien dit progresser à travers l’album, puisque progression il y a, l’opus se rapprochant de l’idée d’album conceptuel popularisée par le groupe The Ventures au début des années soixante, idée consistant à créer plusieurs chansons à partir d’un esprit musical, thématique, lyrique ou narratif commun pour qu’elles ne forment finalement qu’une seule entité. L’album The Wall de Pink Floyd, ou encore Tales of Mystery and Imagination du vénérable Alan Parsons, le génie derrière la technique sonore de ce groupe anglais mythique, n’en sont que quelques exemples.

Qui plus est, le disque comporte des leitmotiv (par exemple, le même refrain est repris, à quelques modifications près, autant dans la première pièce (1), The Suburbs, que dans Suburban War, la neuvième (9) : In the suburbs I, I learned to drive, and you(1)/people(9) told me we would never survive, so grab your mother’s key we’re leaving(1)/we leave tonight(9)). À leur habitude, ils intègrent quelques vers en français dans leurs chansons, notamment dans Empty Room.

Après avoir élargi dans Neon Bible l’horizon des thèmes qu’ils traitaient, les musiciens reviennent à leurs origines et préfèrent s’étendre sur l’enfance, la perte de l’innocence, l’amour, la vie en quartiers résidentiels et sa petite routine tranquille, à l’image de ce qui est traité dans Funeral. L’aliénation est aussi un sujet qui revient souvent au sein de l’album. Les paroles sont lourdes de sens et vont droit au but, critiquant particulièrement la modernisation abusive de tous les aspects de nos vies. Un autre thème qu’ils ont bien à cœur est le souhait que les enfants ont de grandir trop vite, se modernisant eux aussi à une vitesse faramineuse et s’aliénant par le fait même des gens qui les entourent avec des objets technologiques comme les téléphones ou ordinateurs portables.

Pour illustrer l’ennui de leurs jeunes temps, la bande a concocté une ambiance générale plutôt calme, douce et sereine. La majorité des pièces sont carrément mélancoliques, à l’image des désillusions, des déceptions et des déchirements qui surviennent au moment de passer de l’enfance au monde adulte. Heureusement, le disque comporte aussi quelques chansons ayant plus de punch, comme Month of May et City with no Children, symbolisant l’espoir, l’esprit révolutionnaire et contestataire des adolescents n’étant pas d’accord avec le modèle établi et ayant une soif intarissable de changement.

Nous vous proposons ici quelques réalisations multimédias du groupe, qui sont en fait des vidéoclips interactifs de trois de leurs chansons, en plus de la bande-annonce d’un court métrage écrit et dirigé par Spike Jones s’inspirant de leur dernier album :

 

Black Mirror de l’album Neon Bible

scene form surbubs

Sprawl II : Mountains beyond Mountains de l’album The Suburbs

Neon Bible de l’album Neon Bible

Scenes from the Suburbs de Spike Jones

 

 

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