Du hardcore à l’expérimental en passant par le rock, cela va faire 25 ans que The Notwist explore le spectre musical à coups de virages à 180 degrés. Tantôt adulés (“Neon Golden”), tantôt dédaignés, cette fois ils reviennent avec un album à la geekerie hybride qui doit encore faire ses preuves sur scène. Verdict ?
En attendant c’est Jel qui ouvre le bal. A son entrée sur scène on a du mal à croire qu’on a sous les yeux le co-fondateur d’Anticon – label indé fondé en 1998 et qui, depuis, a eu largement le temps de rentrer à mon Panthéon perso avec des artistes aussi dingues que Baths, Young Fathers et plus récemment le discret Son Lux. Sous son sweat à capuche délavé et sa mèche blonde, Jeffrey James Logan alias Jel ressemble plus à un Kurt Cobain défraîchi qu’à un grand nom du hip-hop expérimental.
Jel (Anticon)
Mais les premiers coups sur la boite à rythme vont vite me faire regretter d’avoir douté de la bête. Côté matos Jel sait s’équiper et troque volontiers la MPC classique contre son ancêtre analogique : la SP-1200, réputée pour ses caprices symptomatiques du vieux matos. Pourtant le beatmaker et bidouilleur américain n’éprouve aucune difficulté à dompter la machine qu’il assène de tapes frénétiques. Les spots de l’Orangerie qui l’éblouissent – et sur lesquels il fera des blagues plus ou moins énervées pendant tout le set – semblent lui donner plus de fil à retordre. Entre batteur virtuose et compositeur fou, Jel quitte le champ de bataille sur une dernière vanne et les titres « Look Up » et « Romantisch ».
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Au tour des Notwist de rentrer dans l’arène. Première surprise : après six ans d’absence, le quatuor allemand emmené par les frères Archer s’est entiché d’un deuxième guitariste, d’un nouveau percussionniste et a troqué son ancien batteur pour Andi Haberl. C’est donc avec 6 membres, et des possibilités démultipliées, que The Notwist entame la tournée de son nouvel album « Close to the Glass ». Un album qui a encore tout à prouver après le mollasse « The Devil, You + Me » (2008) et le très acclamé « Neon Golden » (2002) qui a fait passer le groupe du rang de punks à la retraite à celui d’hybride électronique touché par la grâce.
Les premières notes résonnent. The Notwist prend le public belge par surprise en commençant par la dernière chanson de l’album : « They Follow Me ». Un choix douteux si l’on considère que l’album perd en puissance au fil des chansons jusqu’à tirer vers l’ennui total. Un faux départ donc largement compensé par le titre suivant – probablement le meilleur de l’album – « Kong ». Sa mélodie entêtante et ses paroles écorchées résonnent façon The Shins et font bouger les tignasses des trentenaires artys réunis pour l’occasion dans la salle du Bota.
Les titres s’enchainent, les flashbacks aussi. « Pick up the Phone », « One with the Freaks » et « This Room » : pour un groupe qui semble vouloir se libérer de ses chaines, les Notwist multiplient les coups d’œil dans le rétroviseur, nostalgiques peut-être de l’époque où Neon Golden déchainait les passions. Et évidemment, ça marche. Le public reprend en chœur les paroles tandis que les craquements mêlés aux samples donnent aux anciens titres des accents de Kid A de Radiohead.
Seulement voilà, j’attends encore d’être convaincue par le dernier album qui, semble-t-il, a décidé de se payer ma tête en live. Jamais vraiment décevant, jamais vraiment fascinant non plus. Sur scène, l’ennui religieux d’ « Into Another Tune » et ses ambiances de cathédrale cohabitent avec la distorsion des guitares de « 7 Hour Drive », véritable hommage à My Bloody Valentine. La folk dégoulinante de « Casino » quant à elle se voit rapidement compensée par l’electro expérimentale et intimiste de « Signals » et le cliquetant « Run Run Run » qui, sous chaque couche de verre cassé, révèle ses trésors.
Au final les six allemands autistes des machines et aux allures de profs de physique-chimie nous offrent un set bien maitrisé ainsi que deux rappels. Pas de quoi se plaindre donc sauf qu’on garde l’impression d’un groupe qui tatônne sans jamais vraiment se décider. Titres décousus, atmosphères diffractées, the Notwist brouille les pistes avec une setlist peu cohérente et une performance qui relève plus du puzzle que de l’improvisation collective. Un choix volontaire de la part du quartet qui pour cet album a préféré le collage au mixage. En résulte une créature polymorphe, sorte d’hybride autodestructrice qui absorbe tant d’influences rock, shoegaze, folk, electronique et post-rock qu’elle finit par nous donner l’impression de sauter d’une station de radio à une autre.