Rencontre avec Sam Brookes, vétéran de la scène folk londonienne
17 Juin 2014

Rencontre avec Sam Brookes, vétéran de la scène folk londonienne

J’ai découvert Sam Brookes en live. Il

17 Juin 2014

J’ai découvert Sam Brookes en live. Il faut dire qu’au premier abord, des jugements parfois trop hâtifs n’auraient pas fait traîner mes oreilles du côté de « Kairos ». Le chapeau, la belle gueule et la guitare auraient directement rangé le british dans la catégorie « chanteur de folk à minettes », sans même écouter le disque. Et puis, je l’ai vu en live. Trois fois en l’espace d’une semaine. Dans l’arrière salle du meilleur disquaire de Metz, sur le plancher d’un appartement à Nancy et enfin au Chaff de Bruxelles, Sam Brookes m’a fait ravaler mes préjugés. Justesse, émotion et intimité, le musicien laisse derrière lui chaque soir un public dont les sourires et les remerciements ne trompent pas. Aux premières notes de « Numb », la salle se tait. Il ne me semble pas avoir déjà vu le Chaff aussi attentif, aussi calme. Une écoute religieuse que rien ne semble pouvoir perturber, si ce n’est les quelques blagues maladroites de celui qui « toure » l’Europe pour la seconde fois. Sam vient y défendre son deuxième album – Kairos, dont le sublime « Breaking Blue » vous fera à lui seul oublier qu’un jour, comme moi, vous avez pu douter. Interview avec le meilleur faux chanteur de folk à minettes de Londres.

 © Photo : Fanny Lambotte

© Photo : Fanny Lambotte

Salut Sam ! Prêt pour ta première interview en français ?

(Rires) « Parlez-vous anglais ? »

Okay, fine. On va la faire en anglais alors. Raconte moi un peu comment tout ça a commencé.

Ca fait 10 ans que je fais de la musique, 4 ans que j’ai commencé mon projet solo. Avant, j’ai joué dans plusieurs groupes, c’est ça qui m’a appris la scène. Quand j’ai déménagé du Sud-Ouest de l’Angleterre pour m’installer à Londres, j’ai commencé à travailler mon songwriting. J’avais envie de faire mon truc à moi.

Justement parlons un peu de Londres. Tu as commencé à organiser des concerts là-bas…

Oui. Quand je suis arrivé à Londres, je ne connaissais personne. Alors je me suis mis à organiser des concerts, très petits, très intimistes, complètement acoustiques. Ca ressemblait vraiment à des concerts en appart’. Sauf que ça se passait dans une petite salle – 30 ou 40 personnes -, au-dessus d’un pub. C’était un bon moyen de rencontrer énormément de musiciens. Au bout d’un an j’ai commencé à jouer avec les gens que j’avais programmés et j’ai même fini par emménager avec l’un d’entre eux. C’était vraiment ce qu’il fallait faire.

Les sets acoustiques sont particulièrement adaptés à ton univers. C’est probablement dû à l’importance de ta voix – ton atout majeur – dans ta musique. Est-ce que c’est quelque chose que tu as beaucoup travaillé ? 

 © Photo : Fanny Lambotte

© Photo : Fanny Lambotte

Non, pas du tout. J’ai grandi dans une maison où tout le monde chantait tout le temps : ma mère, mon père. Ils ne me poussaient même pas dans cette direction là, je chantais juste tout le temps. J’ai aussi chanté dans une chorale plus jeune, de 5 à 11 ans. A cette époque-là c’est drôle mais je chantais pour la Reine. Chaque semaine, notre chorale chantait pour sa chapelle privée.

Et puis quand j’ai eu 11 ans j’ai arrêté la chorale. Puis j’ai mué. Je n’ai plus fait de musique pendant plusieurs années – et il parait que c’est une très bonne chose parce que ça permet à ta voix de se reposer. J’ai donc mué « naturellement », ce qui a préservé ma voix, plutôt que d’essayer de forcer dessus. Mais je n’ai jamais réellement pris de cours de chant.

Malgré des paroles qui sont souvent assez tristes, – tu parles beaucoup de sentiments, de douleur aussi –  tu poses toujours un regard très optimiste sur les choses malgré tout. Ta chanson « James » en est un bel exemple

Les choses sombres m’inspirent plus. Mais il y a une part d’ombre et une part de lumière dans tout. Tout est dans la nuance. C’est vraiment quelque chose que j’aimerais travailler encore plus : ce côté paisible mais sombre. On retrouve ça chez Tim Burton. J’ai toujours adoré ses films. Il a ce regard plein d’espoir et d’optimisme, même dans les choses les plus sombres.

Tu parles aussi beaucoup de voyages dans tes chansons. Est-ce que ce n’est pas une sorte d’obsession ?

Je voyage beaucoup grâce à la musique. Pas encore trop en Europe mais à travers l’Angleterre. Et à chaque fois j’ai toujours ce sentiment de vouloir retourner à la maison et ce questionnement sur ce que « la maison » signifie. J’ai toujours aussi cette envie de quitter la ville pour retourner à la campagne. C’est là où je me sens le mieux.

Alors c’est où, « ta maison » ?

C’est une bonne question. Je n’ai pas vraiment l’impression d’en avoir une. Mes parents ont divorcé quand j’étais enfant – je n’essaye pas de m’apitoyer sur mon sort, pas du tout. Mais je n’ai jamais vraiment eu ce sentiment d’être à la maison. Ensuite j’ai déménagé dans le Sud-Ouest de l’Angleterre puis à Londres. Donc je dirais que maintenant Londres est un peu ma maison, mais seulement dans un sens très temporaire.

Tu peux me dire quelques mots sur ton songwriting ? Quand et comment sont nées les chansons qui sont sur ton dernier album, Kairos ?

Certaines sont de vieilles chansons. D’autres sont des chansons que j’ai écrites très rapidement, en l’espace de 3 semaines. Elles m’ont apporté une sorte de ligne directrice qui m’a servie à conceptualiser ce à quoi l’album allait ressemblait au final, au niveau du son et de l’atmosphère. J’écoutais justement quelqu’un parler du processus d’écrire la dernière fois. Il parlait de Tom Waits et comment, pour lui, un album a toujours une « mummy song » et une « daddy song » qui donnent ensuite naissance à toutes les autres petites chansons.

Est-ce que c’est la même chose pour toi ? 

J’ai entendu ça après avoir eu terminé l’album. Mais c’est une belle façon de voir les choses je trouve. Alors j’ai réfléchi à Kairos et je me suis dit que c’était vrai, il y a des chansons qui construisent vraiment l’atmosphère de l’album. Ca ne veut pas dire que ce sont de meilleures chansons. Je les vois plus comme une porte qui s’ouvre. Cette chanson est comme une porte qui s’ouvre sur toutes les autres.

Alors quelles sont tes « mummy » et « daddy songs » sur Kairos ?

Je dirais que c’est plus une orgie vraiment. (Rires) Il y a la mère, le père, les sœurs, les frères… Mais je pense que Crazy World and You et Breaking Blue, ces deux chansons résument assez bien l’album pour moi.

Comment s’est passé l’enregistrement de Kairos ?

Je l’ai enregistré avec un très bon ami à moi, Greg Freeman. C’est un très bon batteur mais il est aussi ingénieur et producteur. En mai 2012 on a commencé à jouer ensemble et on s’est dit que ce serait un truc cool à enregistrer. Donc en fait on a commencé à enregistré dans sa chambre, à Bristol. Ca a pris environ un mois, mais étalé sur toute une année.

 © Photo : Fanny Lambotte

© Photo : Fanny Lambotte

Tes deux albums sont donc autoproduits. Est-ce que tu es à la recherche d’un label maintenant ?

Si le bon label se présente, alors oui. Pour le moment je fais tout tout seul. Là ça marche mais je sens que je commence à atteindre la limite de ce que je peux faire seul et qu’il va me falloir des gens autour de moi qui m’aident pour aller plus loin. Donc oui, j’aimerais bien trouver un label pour ça.

C’est quoi le « bon label » dont tu parles?

Ca tient probablement plus aux personnes qui y travaillent et aux artistes déjà signés, à l’histoire du label et ce qu’ils ont à offrir aussi. J’ai des amis qui ont signé sur de très gros labels et qui s’entendaient très bien avec la personne qui les a signés. Et puis au bout d’un an ce gars se fait virer et ils n’aiment pas le nouveau gars. Et ils leur reste 5 ans ou 5 albums à faire avec ce label. C’est le genre de choses auxquelles on ne pense pas toujours au début. Mais personnellement je veux vraiment me tourner vers le futur et continuer d’avancer.

Tu l’as dit, tu fais tout toi-même. C’est la même chose quand tu pars en tournée : tu prends ta voiture, c’est toi qui conduis, tout est très relax…

Oui, je crois que c’est parce que c’est comme ça que je suis avant tout. (Rires) Même si les choses prennent de l’ampleur à l’avenir, j’aimerais bien ça reste très relax, très simple. Tu sais ça m’est déjà arrivé de jouer devant des milliers de personnes, quand j’étais en tournée avec Newton Faulkner. Au bout d’un moment, avec tous ces gens qui crient en face de toi, tu finis par te demander ce qui est bien réel ou non. C’est étrange. C’est beaucoup d’excitation, ton niveau d’endorphines qui explose. Ca dure 6 semaines et ensuite tu rentres à la maison… et il n’y a plus de gens qui crient, plus rien. Tu perds un peu le sens de la réalité. Au final les salles que je préfère sont celles où tu peux faire rentrer entre 200 et 400 personnes, comme l’AB Club ou la Rotonde.

C’est la deuxième fois que tu fais une tournée en Europe, qu’est-ce que tu en retiens ? Est-ce que c’est vraiment différent de l’Angleterre, où tu as l’habitude de jouer ?

Ca n’a rien à voir. La plupart du temps en Europe, je joue devant des gens qui ne vont pas forcément comprendre tout ce que je dis. La plupart du temps, les gens ici n’ont aucune idée de qui je suis. (Rires) Ca veut dire que je dois jouer devant un tout nouveau public chaque soir. C’est à la fois très excitant et très angoissant. Je me dis : « Est-ce que les gens vont comprendre ? Est-ce qu’ils vont aimer ? » J’ai eu de très bons retours. Des gens qui venaient me voir et qui, dans un anglais plus qu’approximatif, me disaient qu’ils n’avaient pas saisis les paroles mais qu’ils comprenaient la musique. Je trouve ça génial, et très inspirant. Ce voyage m’a donné envie de retourner à la maison et d’écrire plein de nouvelles chansons.

Avant que tu partes, dis nous quand même quelques mots sur tes projets à venir alors. Ton deuxième album était beaucoup électronique que le premier, plus expérimental. Tu as déjà des idées pour le troisième ?

C’est vrai qu’il est beaucoup plus électronique, plus atmosphérique. J’aimerais bien pousser un peu plus dans cette direction là. Peut-être ajouter quelques synthés – même si c’est délicat parce que j’adore jouer de la guitare. Mais oui, je pense que ce serait bien d’ajouter un autre élément. Greg et moi on a vraiment une bonne alchimie ensemble. Je pense que ce serait chouette d’ajouter quelqu’un d’autre. Essayer de jammer comme ça, en trio, puis enregistrer pour voir ce que ça donne.

En écoute  intégrale ici: Kairos – Sam Brookes

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