Light through the midst
10 Août 2012

Light through the midst

Voyage vers l’au-delà La chaleur devait peser

10 Août 2012

Voyage vers l’au-delà

La chaleur devait peser sur les toits d’Eisenach ce 21 juin là. C’était en 1890, et un festival de musique envahissait la ville. C’est ce même soir que le compositeur Richard Strauss (1864-1949) allait diriger la première de sa toute nouvelle production, le poème symphonique* : “Mort et Transfiguration, op. 24“, notre sujet du jour. L’œuvre dépeint la mort d’un artiste et se base essentiellement sur les mots d’un poète allemand, Alexander Ritter (1833-1896) un ami intime du compositeur. Pratiquement, il s’agit d’un flot de musique ininterrompu de 25 minutes subdivisé en 4 sections qui chacune décrit un tableau spécifique (la fiche de l’œuvre comporte d’ailleurs à cet effet des noms attitrés aux mouvements qui résument la pensée de Ritter). Les passages de transitions entre les différentes parties sont extrêmement subtiles et attestent de l’aisance d’écriture de l’auteur. Avec votre permission mes chers lecteurs, je vais tenter de vous guider à travers ce morceau qui conjugue l’épique et l’intime avec adresse et sensibilité.

L’homme malade proche de la mort. Quelques battements de cœur donnés par les cordes ouvrent discrètement le bal funèbre qui s’annonce. Ils sont vite rejoints par les bois et les cuivres, un tambour décompte les minutes au loin tandis que les premières phrases mélodiques évoluent timidement entre les sections de l’orchestre. Le ton général est fragile, indécis et plusieurs fois inquiétant par l’action de séquences plus sombres. Une harpe et un violon s’échangent des larmes. Sur un fond de contrebasses rempli de tension les bois accompagnent les paupières de l’artiste moribond. Un premier climax conduit tout droit à la seconde partie du morceau. La bataille entre la vie et la mort n’offre aucun répit pour l’homme. Ici ce sont les cuivres qui commandent les opérations pour imposer le thème de la lutte, s’ensuit des échanges de motifs représentant d’une part la vie avec une délicatesse soutenue, et d’autre part l’agression mortelle. Cette oxymore musicale intense se traduit par de superbes envolées lyriques sans retenue, échevelées qui montent et qui descendent telles des montagnes russes pour mieux s’assourdir lugubrement vers la troisième section. L’existence du mourant défile devant ses yeux. Du silence chanté par les cuivre s’élève une mélodie lancinante de souvenirs toujours plus emprunte d’émotion, le temps suspend son vol pour une vision heureuse d’une vie bien remplie, du bon comme du mauvais dans l’intersection où réside le vrai bonheur; puis peu à peu, avec calme, les images s’effacent pour laisser place à la fin brillante du voyage. La Transfiguration longtemps recherchée. L’homme touche le divin du bout de son âme dans un dernier élan passionnel avant un adieu paisible au corps, à la matière; son esprit se métamorphose en une lumière pure qui rejoint les cieux infinis avec une grâce solaire…

J’espère  que vous avez pu mieux apprécier le génie de Richard Strauss avec ce petit parcours initiatique. Je souhaiterais ajouter que l’absolue perfection de cette œuvre tient dans sa simple humanité, dans ce désir de mettre en musique la lumière, la paix intérieure qui relève en lui même de l’exploit, sa réalisation dépasse pour moi tous les discours métaphysiques du monde.

A bientôt pour de nouvelles aventures et d’ici là portez vous bien !

*Un poème symphonique est une composition orchestrale originale de forme libre dédiée à un sujet littéraire, philosophique, pictural ou encore abstrait.

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