La Diva nu pieds et le Cap Vert
21 Mar 2013

La Diva nu pieds et le Cap Vert

Malgré qu’on ne l’ait écoutée qu’une ou

21 Mar 2013

Malgré qu’on ne l’ait écoutée qu’une ou deux fois, la chanson Saudade nous plonge dans une profonde nostalgie des îles du Cap. Mais d’où vient ce pouvoir évocateur ? Il ne suffit de rien de plus qu’un cocktail entre des sonorités du Fado portugais mêlées à de la Samba brésilienne et la voix envoûtante de Cesaria Evora.

« Mélancolie, mélancolie de ma terre de São Nicolau. Si tu m’écris, je t’écrirai, si tu m’oublies, je t’oublierai… Jusqu’au jour de ton retour. » (Saudade)

Révélée à l’âge de cinquante ans sur la scène internationale, cette femme, qui a trop bien connu le goût de l’alcool et de la misère, est devenue malgré elle ambassadrice de la Morna, musique originaire de son pays. Si elle a pris les devants, c’est grâce à José Da Silva, un ancien cheminot français, qui l’a entendue dans une boîte de Lisbonne et en est ressorti bouleversé.

« Dans la Morna, il faut du vécu pour atteindre un tel niveau d’émotion, très peu d’interprètes en sont capables » (J. Da Silva)

Elle cultive sa voix depuis ses 16 ans, où elle a commencé par chanter dans les bars, pour gagner sa maigre vie, évoquant des thèmes tels que la tristesse, l’amour, la pauvreté, la beauté des îles et la mer. Ces thèmes ne l’ont jamais quittée, et elle continuera de les exprimer sur des sonorités africaines et cubaines tout le long de sa carrière durant laquelle elle sortira 15 albums. Cize (un autre de ses surnoms) s’est fait connaître avec son album « Miss Perfumado », sorti en 1992. « Café Atlantico » sera le plus vendu de tous, et elle recevra un Grammy Award du meilleur album dans la catégorie world music avec « Voz de Amor ».

« Cette vie joyeuse que tu mènes, faisant la fête nuit et jour, sans dommage mais pleine de joies, Angola, Angola. » (Angola)

C’est après 70 années bien vécues, le 17 Décembre 2011, qu’elle s’est éteinte à Mindelo, également ville de sa naissance. Epuisée par plusieurs opérations dont une à cœur ouvert, elle avait tiré sa révérence en Septembre 2011, exprimant ses regrets de ne pouvoir s’offrir davantage à son public : « Je vais arrêter, un jour, mais pas que ça. En fait, j’arrête tout. Je n’ai pas de force, pas d’énergie. Je veux que vous disiez à mes fans : excusez-moi, mais maintenant, je dois me reposer. »

Si vous connaissez déjà ses albums par cœur et que vous êtes déjà en manque de musiques colorées du Cap (ou que simplement, vous êtes une âme Beatchronic parée à toute découverte musicale), j’ai une bonne nouvelle pour vous : elles ne s’en sont pas allées avec Cesaria. Les mélodies traversent encore la mer et viennent nous raconter de belles histoires si l’on tend vraiment bien l’oreille… Parce que là-bas, le ministre de la culture reconnaît être en mal de moyens pour promouvoir ses artistes à l’étranger.

Ze Luis, lui aussi révélé tardivement, décrit par certains comme le Cesaria au masculin, a tout récemment sorti son premier album sous le label Lusafrica, créé par José Da Silva. Mayra Andrade est aussi une artiste Capverdienne qui réussit tant bien que mal à s’exporter.

« Lune, reste un peu plus longtemps, laisse-moi venir près de toi, éclaire-moi avec ta lumière apaisante (…) Lune, tu es si haute dans le ciel, par-delà les jujube et les tamariniers, par-delà l’épée du soldat et l’arrosage d’eau bénite du prêtre. » (Lua)

Il serait difficile de ne pas évoquer Lura, une tierce artiste CapVerdienne qui enregistra en 1996 son premier album « Nha Vida » avec ses propres compositions. Tito Paris, lui aussi populaire, après n’avoir su développer sa carrière si bien partie en 2005 pour cause de traitements médicaux lourds, aura la chance de signer avec un label capverdien basé aux USA en 2009.  Il y a aussi Nancy Vieira, qui a sorti son 3ème album en 2011, vue comme l’héritière de Cesaria, mais qui a l’audace d’explorer des territoires poétiques tels que ceux d’Eugenio Tavares. Il est l’auteur de « Na Oh Minino Na », chanté selon la tradition capverdienne 7 jours après la naissance d’un enfant et juste avant son baptême. 

« Si j’avais su que les jeunes mouraient aussi, je n’aurais aimé personne dans ce monde » (Flor di nha esperança)

Je finirai cet article en vous évoquant deux derniers piliers de cette musique des îles, Bau (Rufino Almeida de son vrai nom), qui a été choisi par Pedro Almodovar pour faire la bande original de « Parle avec elle », ayant aussi pris la tête de la direction orchestrale de Cesaria, et Bana, qui fut le mécène de la chanteuse lors de son concert au Portugal, traînant une carrière longue de 50 années derrière lui.

En attendant le début du printemps et pour fuir les dernières neiges, je vous propose de vous réchauffer en écoutant quelques-uns des morceaux de la Diva avec un verre de cognac et en vous déchaussant, comme elle avait l’habitude de le faire en concert…

« Terre pauvre remplie d’amour, avec la morna et la coladera, terre douce pleine d’amour avec le batuque et la funana. Tant de nostalgie, nostalgie sans fin. Petit pays, je t’aime beaucoup. » (Petit pays)

« Dis que mes larmes ne sont que faiblesse, mais n’oublie pas qu’un jour tu as été mien. Dis que tu ne me veux plus, nie que tu m’as appartenu, et je te montrerai mes lèvres encore mouillées où ton baiser a laissé son empreinte » (Negue)

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