Back to the basics! Ou le “retour” des vinyles
25 Jan 2014

Back to the basics! Ou le “retour” des vinyles

Vous êtes déprimé par la pluie, par les

25 Jan 2014

Vous êtes déprimé par la pluie, par les journées beaucoup trop courtes et vous avez perdu votre écharpe fétiche? Oubliez tout ça! Oubliez ce mistral glacial qui s’attaque à nos contrées en cette rude (ou pas) période hivernale et laissez une chaleur enivrante pénétrer votre âme et entrer dans vos cœurs… Imaginez une jeune étudiante d’une vingtaine d’années ou une chef d’entreprise débordée. Elle est irréfutablement de ceux que l’on appelle hyperactifs ou surmenés, tout dépend de l’angle de vue. Entre ses études ou ses employés, ses entraînements de Kenjutsu (ancien art martial japonais) ou ses investisseurs, son job, ses soirées « Crazy Poney » ou ses « recruitment fair » à Tacuarembo et tout le reste, elle ne sait plus où donner de la tête et rentre chez elle chaque soir un peu plus exténuée et stressée par cette vie agitée. Perdue dans ce tourbillon tel un électron libre sans proton, elle ne sait plus comment faire pour décompresser, et laisser l’angoisse de son quotidien derrière elle. Quand soudain la grâce la frappe ! Elle se lève d’un bon, se dirige vers le « coin musique » de son salon, cherche parmi ces disques celui qui libérera toutes ses tensions. Elle ouvre la pochette, extirpe délicatement le palet de couleur noire se trouvant à l’intérieur et, du bout des doigts, le pose sur le plateau de son tourne-disque. Elle presse ensuite sur le bouton pour en enclencher la rotation et, étape ultime du processus, approche minutieusement la tête de lecture pour connecter, d’un léger effleurement, la pointe de son aiguille, ornée d’un diamant, à la surface du disque. Le légendaire scratch se fait entendre, on dirait un scintillement. Elle s’émoustille sur les premières notes de “For your precious love” – Otis Redding avant de se glisser paresseusement dans son fauteuil, moelleux on l’espère.

« Le vinyle ? C’est ringard » ! Que celui qui a osé un jour prononcer cette phrase reçoive la première pierre, celui-là ne mérite pas de connaître cette nouvelle ère qui accueille le rond noir à bras ouverts. Et oui, à l’heure actuelle, et ce depuis quelques années, le disque microsillon connaît un regain de popularité auprès de divers publics. Que ce soit les générations anciennes animées par la nostalgie ou la « jeunesse dorée » assoiffée de nouvelles expériences, les grandes surfaces ou les disquaires spécialisés, tous reconnaissent qu’il fut regrettable de boycotter ce mode d’écoute. Mais pourquoi un tel mouvement ?

Avant de répondre, un petit topo pour la culture G ! Le vinyle c’est un support constitué d’un mélange de polychlorure de vinyle (le PVC qu’on met dans la poubelle bleue) et de polyacétate de vinyle. Il est parcouru par un sillon microscopique dessinant une spirale, ce qui permet d’y enregistrer des données sonores directement. Cette technique sur disque plat, d’abord en métal, a été élaborée parallèlement par Emile Berliner et Thomas Edison au 19ième siècle. Ce qui a permis la création des disques 90 et 78 tours, ancêtres de notre ami V. Vers la fin des années 40, le studio de production américain Columbia remplace donc le Zinc par du plastique et l’une des premières utilisations sous cette forme a été dédiée à l’édition des œuvres de Mendelssohn et de Tchaïkovski.

Ce nouveau procédé est commercialisé à partir de 1948 et, une année plus tard, apparaissent les disques 45 tours/minute. Ils hébergent en général une plage par face pour une durée totale d’environ 11 minutes et sont en quelque sorte le papa du single avec ces deux chansons par disques. À côté de ça, il existe les Super 45 tours contenant 4 titres qui sont à l’origine de l’appellation EP (pour Extended Play). En cherchant bien, on peut également trouver des Maxi 45 tours. Principalement édités pour contenir de la musique classique, ils finissent par accueillir de la musique d’une toute autre sorte ! Populaires à la fin des années 70, les styles Disco et Funk sont de plus en plus plébiscités par les Maxi 45T. Pour ce qu’il en est, le format resté gravé dans les mémoires est bien le 33 tours. C’est celui qui récolte les bénéfices de cette recrudescence que frise aujourd’hui le vinyle. Les 33 tours contiennent généralement huit titres avec une durée totale de 40 à 60 minutes. Enfin il y a eu les 16 tours/minute qui n’ont pas connu un succès florissant à l’instar de leur frères. Ils étaient notamment destinés à consigner des textes parlés pour l’apprentissage des langues par exemple. Je pourrais vous faire un laïus durant des heures et des heures et des heures et des heures et des heures,… Mais ça deviendrait très technique voire scientifique. Or ici on parle de musique !

Dès la fin des années  80, le CD débarque et c’est l’album intitulé “Brother in arms” de Dire Straits, qui assigne une frappe fatale à l’éjection du disque en plastic noir. L’opinion publique et les majors clament alors la révolution de l’écoute musicale. On peut même trouver les images d’un énergumène se permettant de casser un vinyle en deux (can you imagine that ???). À  l’époque, on ne jurait que par le CD-Rom permettant la portabilité de la musique (on a tous chéri le walkman, avouez!). Résultat : le « citoyen moyen », se laisse illuminer par ce minidisque brillant et abandonne aveuglément sa collection. Le CD permettait cette facilité voire paresse de l’écoute : il ne faut plus se lever pour changer de face, on peut faire d’autres choses en même temps, choisir la chanson que l’on écoute et passer une chanson (plus facilement). Il donnait ainsi l’illusion de remplacer le vinyle. Mais le réel coup de massue a eu lieu lors de la numérisation musicale. Plus besoin d’acheter les albums en entier, plus besoin, pour les DJ, de se trimbaler avec tous ces disques, la musique est disponible gratuitement, bien que cela soit illégal la plupart du temps, et la découverte musicale se retrouve facilitée. Tous ces avantages que proposent madame digitale et monsieur numérique ont mis en évidence l’utilisation contraignante qu’impose Mister V mais ils ont surtout mis le voile sur les perceptions agréables que nous offrait son écoute.

Malgré toutes ces tentatives d’évincement, le vinyle est ressuscité de ses cendres, tel un Phoenix. Le Phoenix de la musique qui a encore des beaux jours devant lui ! Cela n’empêche qu’il serait inconvenu de parler de « retour » en ce qui me concerne, j’utiliserai volontiers le terme renouveau. En effet, même si les Cd-Rom, iTunes, Mp3 et autres modes d’écoute l’ont coiffé au poteau pour lui voler sa place au premier rang, nombreux sont ceux qui ont refusé de lui tourner le dos. Parmi ces fidèles, on trouve notamment les amateurs de Funk, de Métal, de Jazz, de Rock ou encore de Hip Hop. Sans oublier les diggers : passionnés de musique, ils parcourent les brocantes pour dégoter LA perle rare à l’image d’un mineur qui creuse pour dénicher un joyau. Mais les plus attachés aux galettes noires restent les mixeurs pour qui cette technologie ancienne constituait un outil incontournable pour animer et faire danser les foules, quel que soit le style ! Aujourd’hui, évolution technologique oblige, il existe des logiciels de simulation qui permettent d’utiliser toutes les techniques du mix sur vinyle sans vinyle.

Quel bataillon derrière le grand disque noir ! Pourquoi alors parler de renouveau ? Premièrement parce que depuis quelques temps, de nouvelles têtes s’aventurent dans les antres des magasins spécialisés. Nicolas, travaillant chez Veals and Geeks en atteste. Il voit défiler des jeunes adolescents, d’autres personnes plus âgées, mélancoliques, regrettant de s’être séparées de leur collection d’antan. D’ailleurs, les grands magasins d’électroniques garnissent leurs rayons de tourne-disques et albums collectors. Rayons qui chaque année, occupent une place de plus en plus importante. Qu’est-ce qui pousse tout ce petit monde à se (ré-)intéresser au microsillon ? Certains parlent de chaleur à l’écoute d’un vinyle que l’on ne retrouve pas avec un fichier mp3 par exemple. Ce qui est vrai mais ça va plus loin ! Le son qui est produit semble plus authentique et est surtout plus accueillant. Quand on écoute bien, on peut avoir l’impression de se trouver dans le studio d’enregistrement 40, 50, même 60 ans en arrière dans la salle de concert pour les lives enregistrés à l’époque. Faîtes le test si l’occasion se présente à vous, fermez les yeux et écoutez, vous ne le regretterez pas. Et il ne s’agit pas seulement de la qualité du son, la voix aussi semble différente, plus sincère. Et oui, pas d’auto-tune ou autre retouche dans le genre. Perso, je ne parlerais pas de chaleur ou de qualité mais de réalisme acoustique qui rend l’écoute plus empoignante encore. Tellement que l’on ne veut rien faire d’autre que se poser et écouter. Et c’est ce qui caractérise le vinyle, il demande, exige une écoute exclusive. Comme le disquaire (également libraire et vendeur de T-shirt) de la rue des Grands Carmes me disait il y a quelques jours, ne serait-ce que le court temps d’écoute de chaque face, oblige à être attentif, pour ne pas rater le moment où la musique s’arrête et tourner le disque pour changer de face. Le côté « objet d’art marqué par l’histoire » charme également le grand public. D’autant plus que le format 30×30 de sa pochette attire plus facilement l’œil et surtout permet de présenter les photographies et les prouesses graphiques faites pour les couvertures comme il se doit. Une sorte de mini-tableau. Certains en profitent même pour glisser des souvenirs dans la pochette (une carte postale, une photo, un mot doux). À 80 ans, le vinyle est, sans aucun doute, devenu un témoin du passé que tous les amoureux du temps révolu convoitent.

 

metallica

Avec cet engouement, Vivi retrouve sa jeunesse, ou plutôt, en trouve une nouvelle. Les photos et œuvres d’art miniatures, que l’on retrouvait sur les pochettes en guise de touche originale, ont laissé place aux vinyles de couleur fluo ou tout simplement transparente. D’autres ont l’image de la pochette directement incorporée sur leurs faces : les « picture-discs ».  Dans cette catégorie excentricité, le groupe Metallica est certainement le maître avec son disque “Jump in the fire” en forme de dragon ou de monstre (ou bien est-ce un ogre ?) sorti en 1983. Ce n’est pas tout, nombreux sont les artistes de la nouvelle génération qui sortent leurs différentes productions sur vinyle en plus des formats digitaux et numériques. Il y a notamment Flume, Quadron et Musiq Soulchild, mais aussi, Superlux, un groupe électro belge.

Malgré tout cela, le vinyle, dans son ancienne forme, reste un objet porteur de souvenirs propres à chacun et ancré dans l’esprit de tous : certains disent se rappeler des circonstances exactes de l’acquisition de chaque disque qu’ils possèdent. La dématérialisation de la musique n’aura su que l’affaiblir. Et pour cause, il permet un rapport si différent à la musique. C’est un rapport physique de par la découverte de la pochette et ritualisé par cet enchaînement de gestes que l’on effectue avant l’écoute, et respectueux parce qu’il nous force à nous investir dans l’écoute. Cerise sur le gâteau, ce son agrémenté de petits craquements, tant appréciés par les utilisateurs, évoque un souffle fragile qui s’éveille, nous interpelle et se joue de nos sens pour nous envoûter le temps d’un instant. Certains qualifieront l’adhésion au vinyle de kitch, has been, ou phénomène de mode éphémère. Ils n’ont très certainement pas connaissance des innombrables sensations qu’il procure…

Leave a comment
More Posts
Comments
Comment