On dit souvent que le deuxième album est le plus difficile à faire. On ne ressent pas cette difficulté le long du deuxième LP d’Ypsos. Au contraire, le MC confirme tous les espoirs placés en lui et nous invite à observer son univers du haut du dixième étage.
Mais avant d’arriver à ce fameux dixième étage, Ypsos a monté les marches une par une, avec une progression croissante dans son parcours, sans se reposer à un quelconque palier. Rappeur français, il arrive sur nos terres belges il y a plus de 6 ans. Il participe en 2010 au Rap Contest (appelé aujourd’hui Buzz Booster Belgique), où il prend part à la finale! Ce concours fait office de tremplin, il charme véritablement le jury. Lancé, il ne compte pas s’arrêter là! Festivals et salles de concerts lui ouvrent leurs portes, il fonde son label Wakos Music avec Rob, et surtout il sort son premier album solo: Le salaire du labeur.
Un premier album de qualité, qui sera suivi de plusieurs projets en commun avec les autres MCs du label Wakos Music, où encore des artistes proches de lui comme Sanzio et Furio, formant le groupe Ligne 81. Voilà comment il a gravi les marches une par une avant d’arriver à son deuxième album solo, sorti lundi dernier.
Reste à savoir comment est la vue depuis ce dixième étage. C’est sur une prod de Le Seize, incontournable dans la scène hip hop belge, que le LP démarre. Et quel démarrage, Avant tout est le premier extrait qui fut dévoilé. Une manière d’introduire fort appréciable, Ypsos enfile son plus beau flow et nous distribue des rimes tranchantes. On est plongé dans l’ambiance, ça fait bouger la tête, et certaines phases vous arracheront même un petit sourire. Plein de belles promesses pour la suite !
S’en suit le morceau éponyme de l’album, où l’on change radicalement d’ambiance. Instru et flow planants: du haut de son étage, il prend un certain recul sur sa vie, ses erreurs, le monde qui l’entoure. Un morceau plus personnel où l’on voit bien la patte de l’artiste.
Toute la première partie de l’album, j’entends là jusqu’à l’interlude, est bonne. On sent une écriture précise, recherchée, accompagnée de flows bien loin du phénomène trap actuel dans le rap français (et ça ne fait pas de mal!). Un Ypsos en forme, dont on ressent toujours l’influence des années 90. Il varie habilement thèmes sérieux et légers, ce qui permet d’apprécier davantage chacun des morceaux.
Mais voilà qu’arrive la deuxième partie, qui je dois bien vous l’avouer… est encore meilleure. “T’es comme une corde tendue, faut qu’tu vibres” dit-il dans Les cordes. Message reçu. Ce morceau est d’ailleurs mon coup de cœur de l’album, voire même de 2015. L’instrumentale est magnifique, le sample utilisé donne une petite touche de magie supplémentaire, le texte comme à son habitude très travaillé. Et ce refrain! Un régal.
J’veux toucher le ciel mais je suis Muggsy Bogues
Il nous fait ensuite part d’une belle référence à Muggsy Bogues, ou le plus petit basketteur ayant figuré en NBA. Bon ça va être dur de toucher le ciel Ypsos, mais comme Muggsy tu viens de marquer un nouveau trois points avec ce titre. Il affiche ici ses ambitions, ses rêves, et envoie en même temps un beau message à tous ses auditeurs: “A vouloir l’impossible il n’y a rien de bête” .
Et il ne sait pas que marquer des trois points, c’est également un excellent passeur, notamment sur l’excellent Mauvais rêve. La balle est à hauteur parfaite pour que ses partenaires du groupe Ligne 81 puissent dunker. Les trois rappeurs sont très complémentaires. Sur un beat pouvant très bien venir d’un film d’horreur ils font un massacre. Dur de dire qui réalise la meilleure performance tant ils se sont poussé vers le haut. Pas grand fan des cauchemars habituellement, des comme ça je veux bien en faire tous les jours.
Ironiquement, la chanson qui suit s’appelle Paupières closes. Un sacré contraste, et pas seulement dans le titre. Dernier véritable morceau, il résume finalement assez bien ce projet en abordant plusieurs des thèmes qu’on a pu rencontrer sur cet LP: l’importance de ses proches, une critique ou plutôt une vision du monde et de la jeunesse, tout en ayant un regard tourné vers l’avenir.
L’outro Welcome Back Home nous fait finir sur une touche mélodieuse, on sent le “c’est fini” , on doit dire au revoir au projet comme Sacha à la fin d’un épisode de Pokémon. Enfin, le temps d’appuyer sur replay bien sûr.
A la fin de l’écoute, j’ai vraiment eu l’impression d’avoir écouté un très bon projet, que je pourrai sans problème ressortir dans 2-3 ans. Et à l’heure où la musique, et plus particulièrement le rap, se veut très productive et où de moins en moins d’albums tiennent sur la durée, c’est plus que positif!
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