Interview: Hippocampe Fou
30 Avr 2015

Interview: Hippocampe Fou

Hippocampe Fou était présent pour les 10 ans

30 Avr 2015

Hippocampe Fou était présent pour les 10 ans des nocturnes de l’ULB. Interview par Gzmk Zamal.

Qu’en penses-tu ? Etais-tu déjà venu ici ?

On est déjà venu à Bruxelles plusieurs fois et on a toujours su bien jouer, on a toujours bien été accueillis. On a vu qu’il y avait une belle jeunesse un peu patriarche. Les gens sont motivés. On trouve que c’est cool de jouer dans un espace étudiant avec des personnes qui sont là pour se faire plaisir, on va ainsi découvrir ce que c’est que de jouer dans une université belge.

Quel rôle joue la musique dans notre société ? 

On dit que la musique adoucit les moeurs. C’est aussi une manière de garder une sorte de trace du passé car la musique s’enregistre et se transmet de générations en générations. En fait les gens font de la musique pour plein de raisons différentes et c’est très difficiles de résumer en une phrase les bienfaits ou les méfaits qu’elle a sur notre société.
Au niveau du rôle, je vais parler plus personnellement. Je viens d’une famille de musicien, mon père est musicien, j’ai grandi dans la musique et en réalité je ne me suis jamais posé de questions sur la nécessité d’écouter de la musique ou sur le besoin de faire de la musique.
C’est venu tout seul. Ca m’apaise, ça me met dans une espèce de « trans » et ça développe ma créativité. C’est-à-dire que quand j’écoute de la musique, soit je vais me concentrer sur les paroles, le flow, etc et je vais avoir des images qui me viennent en tête (parce que ça raconte une histoire ou parce que j’ai des schémas rythmiques), soit je vais écouter de la musique plus classique et je vais écrire des choses plus versifiées (pas du rap,…). Je vais écrire sur base de mes images, comme lorsque tu écoutes une B.O, sauf que dans ce cas-ci ce seront des morceaux qui ne sont pas rattachés à des films et ça permet d’imaginer plein de choses. En tout cas la musique c’est vachement lié à l’imagination parce comme Kant disait : « la musique est la langue des émotions ». Je trouve que c’est une belle phrase.

As-tu un rituel particulier pour la composition de tes morceaux ?

En fait moi je ne compose pas. Je faisais du beatbox à l’époque donc j’ai acquis une peu de technique à ce niveau-là. Je suis arrivé dans la musique par les mots, même si je vis dans un univers musical depuis que je suis tout petit, ce sont les mots qui m’ont amené à écrire des chansons et ensuite à les accompagner de musique. Maintenant, je fais appel à différentes personnes, ce qui me permet de toujours partir d’une matière musicale existante pour écrire mon texte. Ensuite, je bosse avec différents arrangeurs pour m’approprier l’instru.

Peux tu me donner le top 3 d’artistes tous genres et toutes époques confondus ?

Je vais vous présenter 5 artistes. Ce sont des artistes que je présente aux jeunes des banlieues ou je fais des ateliers d’écriture. On me demande, dans ces ateliers, de présenter mon univers à travers des artistes qui m’ont influencé. J’ai donc du Busta Rhymes,on fait tout les deux du rap. Même si ce n’est pas le meilleur, c’est vraiment mon rappeur préféré car il a su traverser les époques, renouveler son flow, bosser avec de bons beatmaker,…; Boby Lapointec’est quelqu’un qui a ouvert mes yeux sur l’altération et l’assonance, qui m’a appris à faire jouer les sonorités dans les mots, à entremêler les mots ; Bobby McFerrinil est pour moi un génie absolu de la musique même s’il n’est pas dans le texte mais dans la musique pure et dure, reste le top du top; John Williamsqui a fait la musique de tout les Spielberg, de tout les Stars Wars, d’Harry Potter; et un autre compositeur plus ancien qui est Camille St Saensqui a fait notamment le carnaval des animaux, la danse macabre. C’est dur de choisir parce que je pourrais en citer plein d’autre comme Satire, Chopin,… Mais si on me demandais de vraiment choisir un seul truc en rap je dirais Busta Rhymes. Il est quand même très fort, il rap vraiment vite, il a un peu de folie et il a réussi au final à créer son univers musical et visuel.

On dit souvent que la mort fait partir de la vie. Si la fin arrivait, quels sont les mots que tu adresserais à tes fans ?

Je pense que j’essaierais de faire une impro, mais sans doute que je louperais ma rime. Je m’imaginais d’ailleurs le fait d’être dans les tours jumelles. Si je m’étais jeté, j’aurais du faire un ultime freestyle mais je savais vraiment pas en 2001. Ca aurait été très mauvais et je n’aurais pas marqué les oiseaux que j’aurais pu croiser dans ma chute.

Penses-tu que la musique a un effet sur les plantes et les animaux ?

Je sais qu’il y a de la musicothérapie qui est développée sur les plantes et apparemment ça a l’air de fonctionner. Je pense que ça peut vraiment marcher sur les animaux et les humains. C’est comme lorsqu’on parle d’astrologie, on dit que les astres peuvent modifier ton comportement, je pense que la musique qui provoque la traversée d’une suite d’onde et de fréquence dans l’espace dans lequel on est, joue aussi sur nos émotions et peut-être que ça peut nous soigner. Peut être qu’un jour on le découvrira, peut-être même dans 50 ans vu la vitesse à laquelle la sciences avance.
Bref, je ne suis pas très calé en sciences et vie.

Si tu pouvais faire un featuring avec un artiste en ce moment, ce serait qui ?

Tout les artistes que je t’ai cité en tout cas. Je suis très ouvert. Je suis prêt à le faire dans plein de domaines différents. Je viens du monde du cinéma même si je n’ai jamais travaillé dans ce milieu, le cinéma reste ma vraie première passion, donc si je pouvais bosser sur un film de Lars Von Trier, je n’hésiterais pas. S’il faisait une comédie musicale en français, j’aimerais bien écrire des textes pour lui. Je suis très fan de lui comme réalisateur.

Je ne sais pas si tu es fan de Snickers ? Si tu pouvais faire un moonwalk sur un arc-en-ciel, quel genre de paires tu choisirais ?

La preuve que je ne suis pas vraiment branché niveau basket c’est que lorsque tu as dis Snickers j’ai avant tout pensé à la barre chocolatée. Du coup je pense que je le ferais pied nu. Je ne suis pas vraiment dans tout ce qui est apparence, j’aime tout ce qui a une histoire mais je n’ai pas d’amour pour tout ce qui est industriel. Je ne suis pas très matérialiste. Je ne peux pas dire tout et n’importe quoi sur ce domaine car ma copine travaille dans la mode mais c’est vrai que pour moi quand je vois un vêtement, il faut qu’il y ait une mise en scène et si possible un espèce de message pour que je le regarde réellement. Je serais plus naturiste dans l’esprit.

On dit souvent que la fumée serait liée à la pensée et l’eau aux émotions. Dans ce cas de figure, quelle définition donnerais-tu au rap aquatique ?

Le rap aquatique c’est fumant de toute façon. Il y a des volcans sous-marins, même si je ne sais pas s’il y a de la fumée qui s’en dégage. Quand j’ai développé ce concept de rap aquatique, l’idée c’était tout simplement d’être dans un autre milieu que le milieu terrestre. Bien que j’aie les pieds sur terre comme tous les humains, j’avais envie de m’évader le temps de quelques chansons et d’un album dans un univers qui m’était un peu inconnu. On ne peut pas respirer sous l’eau de toute façon, on a besoin d’équipement, etc. C’est ce côté un peu inconnu qui m’a attiré et je pense qu’il y a aussi de la réflexion, de la pensée, … sous l’eau. Dans tous les éléments on peut trouver un mélanges de choses. Tout ça c’est dans l’imagerie. On peut partir de la fumée et de l’eau pour s’imaginer ou penser à un tas de choses.

Selon toi, quel artiste se rapproche le plus de ton univers aquatique ?

C’est difficile à dire parce qu’il y a pas mal de groupe qui se développent en ce moment, qui font du rap. On est décomplexés sans avoir besoin de se prendre au sérieux.
Généralement on m’affilie à des trucs comme Java, Stupeflipe, Klub des loozers,… Tout ça me fait plaisir, même si je sais qu’au niveau du discours je ne fais pas du Kaaris. Ce mec me fait triper, il a de l’imagination, fait plein de choses assez osées. Il y aura bien un jour quelqu’un de plus « trash » que lui mais il est quand même assez loin dans le « hardcore ». Moi j’aime bien tous les trucs qui à un moment prennent des risques (parce que si c’est pour refaire des trucs qui ont déjà été fait…). J’aurais envie de te dire que je suis unique, comme chaque artiste a envie de l’être, mais c’est vrai que j’ai les influences que je t’ai citée, notamment Java (qui a des thèmes très variés). Le slam c’est vachement ouvert. J’ai commencé à écrire en côtoyant ce milieu-là et ça m’a permis de comprendre que je peux très bien faire un texte « égotrip » et en faire un autre ensuite ou je dis que j’ai les ongles incarnés. C’est une manière de n’avoir aucune barrière.

Imaginons que ta fille veuille se lancer dans le rap. Quel conseil(s) lui donnerais-tu ?

Premièrement, je lui ferais écouter beaucoup de choses qui m’ont influencées. Je ferais un peu comme lors de mes ateliers d’écriture. J’essaierais de la former un maximum pour qu’elle soit super forte, pour qu’elle sache rapper comme Chris Cross.
A part ça j’adore ce que fait Beyoncé. Je ne suis pas prude. Je m’en fou de voir des films de cul, je n’ai aucun problème avec la nudité,… Lors des Grammy Awards, il y avait Beyoncé et sur la même soirée il y avait aussi Lord (la fille de 17ans). Et elle est venue sur scène habillée en sorcière, elle n’est pas sexy ni rien, mais elle dégageait une émotion de fou. Je me suis dit que ça faisait plaisir de voir qu’elles ne sont pas toutes dans la course pour être la plus « trash » comme Lady Gaga, Miley Cyrus, … Donc je pense que je dirais à ma fille d’aller d’abord plus dans l’émotion plutôt que d’essayer de plaire et de séduire. Quand tu transmets quelque chose, t’es presque plus attirant. Par exemple Florence Foresti, elle me fait vraiment rire, et je la trouve sexy alors qu’elle n’est pas si mignonne que ça, mais elle dégage quelque chose. La première règle serait : «  ne te laisse pas influencer par ton papa ».
Mon père est guitariste. Il a voulu me donner des cours à un certain moment, ça a duré 2 mois. Je n’avais pas envie de faire ça, et il n’a jamais insisté. C’est après que par moi-même je suis revenu vers la musique.
Je préfère la laisser choisir seule, même s’il faut quand même mettre des limites. Pour le moment elle est toute petite, on verra ce qu’elle écoute dans 10 ans, peut-être que je mettrais mon droit de véto. Moi ça m’a toujours embêté que mes parents puissent ne pas aimer ce que j’écoutais. Ce qui me poussait à l’écouter de plus en plus fort. Sur certaines choses j’ai eu raison, et parfois, effectivement ce n’était pas terrible (j’écoutais parce que c’était le son du moment et que tout le monde écoutait ça). Il y a des sons que j’aime toujours, qui ne vieillissent pas tellement (Little Richard,…).

Certain prétendent qu’il est plus aisé d’avoir du « flow » quand on fait du rap aquatique. Info, Intox ?

Bien vu ! C’est vrai que j’ai souvent justifié l’appellation d’aquatique en disant que de base on parle de « flow », c’est quand même assez lié à quelque chose de fluide qui coule et qui ondule comme des vagues.
Je prépare un nouveau projet. Qui n’est pas aquatique, mais qui sera dans l’évolution du rap aquatique. Du coup mon père est venu enregistrer un refrain pour l’album et je devais lui expliquer qu’il devait lier ses phrases, qu’il ne devait presque pas laisser de respiration, et que les gens aient l’impression d’un flow continu, tricoté du début à la fin du morceaux. C’est là que sur scène quand il y a 8 mesures sans respirer et que tu sautes en même temps, tu te dis que tu es bien content d’avoir quelqu’un avec toi pour pouvoir garder cette fluidité.

Si ça n’avait pas été Hippocampe Fou, ça aurait été quoi comme « blaze » ?

Je ne sais pas. A l’époque je m’appelais master quelque chose, et ensuite j’ai eu plein d’autre blaze. Hippocampe c’est venu assez tôt au final. Après 2-3 ans d’écriture où je ne montrais ce que je faisais qu’à mes proches, j’ai du changer parce que quelqu’un avait exactement le même blaze que moi. Puis Hippocampe c’est apparu, et c’est resté comme ça. Je pense que plus tard ce sera juste « Hippo ». Tout le monde m’appelle « Hippo » de toute façon, c’est le diminutif et c’est plus facile à dire.

Un petit mot aux lecteurs ?

Continuez à écouter des sons, à rechercher la petite perle rare, que ce soit quelque chose de neuf ou d’ancien.
J’aime bien écouter des morceaux plusieurs fois dans une même journée. Mais j’aime surtout trouver de nouvelles choses. Je cherches des artistes qui innovent. J’aime quand il y a des nouveaux courant musicaux, j’aime les mélanges,…
Si tu trouves un son qui est bien écoutes-le 2-3 fois mais ne te contente pas de ça. Va chercher autre chose.

Hippocampe Fou

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