Sur la Scène musicale depuis un certain temps, Gnawa Diffusion possède déjà son public et son histoire. Le groupe se forme dans le début des années 90′ à Grenoble, et après une séparation de plusieurs années en 2007, il se réunit à nouveau en 2012, pour le plus grand plaisir des mélomanes déjà conquis et signe un nouvel album, “Shock El Hal” au lendemain du “Printemps Arabe”.
Laissez-vous rêver à une brise légère promenant les grains de sable au gré de ses envies, dans les rues inondées du parfum du ras el hanout et autres épices orientales, sous la douce chaleur d’un soleil avenant et réparateur. Au détour d’une étroite ruelle, vous entendez au loin le claquement sec d’une derbouka, vous vous approchez, le son se fait plus intense. Au rythme des percussions s’ajoute le son grave du guembri, et les guitares résonnent. Vous vous approchez davantage et là, rien ne va plus, inutile de résister, votre corps vibre, votre tête dodeline en rythme et vous laissez la musique opérer tout en douceur. Telle est la manière dont je me représente mon premier contact avec cet univers musical. Une voix éraillée, une ambiance feutrée et conviviale, somme toute un groupe qui a tout pour plaire et que je vous encourage vivement à écouter et réécouter.
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Gnawa diffusion est un groupe qui s’inscrit dans cette lignée de musiques orientales aux paroles engagées, qui a su remettre au goût du jour les sonorités et les instruments traditionnels de la musique Gnaoua. Mais qu’est-ce que le Gnaoua? Si c’est aujourd’hui une musique sacrée et traditionnelle que l’on retrouve principalement dans les pays du Maghreb, son histoire est plus complexe… A l’origine, “Gnaoua” désigne un peuple originaire d’Afrique Noire. Ceux-ci ont été arrachés à leur terre, pour travailler dans les plantations de canne à sucre au service des Sultans arabes. Impossible de ne pas faire une analogie avec les conditions d’apparition du blues aux Etats-Unis, dans les populations afro-américaines travaillant dans les chants de coton. L’origine même du mot gnaoua témoigne donc d’un brassage ethnique et culturel, brassage auquel le groupe tient fortement. Finalement, c’est l’histoire commune et amère d’un continent mêlé à l’espoir d’un avenir meilleur pour les Algériens, que Gnawa Diffusion célèbre.
Toutefois, la musique gnaoua n’est pas la seule influence de ce groupe aux multiples facettes. On y retrouve des sonorités tantôt reggae, tantôt rock, raï, rap ou jazzy, ainsi que la fameuse gamme pentatonique du blues, bien connue des guitaristes… la mondialisation n’a pas que du mauvais après tout ! Plus que de simples bribes d’influences mises côte à côte sans cohérence, celles-ci s’interpénètrent dans un subtil mélange pour produire une musique métissée, à l’image du talentueux groupe franco-algérien. Beaucoup s’y retrouveront donc. A leur tête, le charismatique Amazigh Kateb – fils de l’éminent écrivain et dramaturge Kateb Yacine – donne le ton à des paroles réfléchies et engagées. Il emprunte selon les morceaux à l’humour, à l’ironie, ou encore aux paroles sévères et acerbes, tout en maniant l’art de la métaphore pour faire passer ses idées de paix et de liberté à travers ses textes. Comment ne pas penser à un homologue algérien du célèbre Manu Chao, tant dans l’esprit que par la musique.
Vivement engagé dans la perspective d’une Algérie plus libre et progressiste, il est amusant de remarquer que “Amazigh” signifie en berbère “homme libre”. Peut on croire en la prédestination d’une vie ou en l’influence d’un nom et d’une idéologie sur une existence ? Du domaine des superstitieux d’une part ou des anthropologues de l’autre, nous n’en débattrons pas ici.
Le fait est que leur musique procure un réel plaisir auditif, et gagne à être connue, si elle ne compose pas déjà votre répertoire musical.
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