La violence dans sa magnificence
27 Avr 2015

La violence dans sa magnificence

Alliant écriture fine et vulgarité, mélodie et

27 Avr 2015

Alliant écriture fine et vulgarité, mélodie et rap, violence gratuite et flûte de pan, Crapulax nous emmène dans son monde désenchanté pour la sortie de son album, où toutes ces contradictions deviennent soudainement logiques. Crapulax est un rappeur Bruxellois d’origine chilienne. Il fait partie du collectif Bunker mofoke avec son frère Lanceflow notamment. En 2013, il sort une première mixtape solo, nommée d’après l’un de ses AKA: “Le Bourgmestre“. Dans cet amuse-gueule avant l’album, on ressent déjà l’écriture sans détour, et sans hypocrisie de la crapule.

Mais le projet auquel nous nous intéressons aujourd’hui est bien cet album, “Violence gratuite et flûte de pan”. Un titre original, un bel oxymore ! Et nous verrons que ce n’est pas innocent. Quoi de moins vulgaire qu’une flûte de pan, de ses initiales FDP? Hum… ouais ok, il m’a bien eu sur ce coup.
Après l’écoute de l’album, il est évident qu’il ne porte pas ce titre uniquement parce qu’il est amusant. Plongeons-nous maintenant dans cet univers très spécial qui commence donc naturellement par une introduction.

Des maracas, de la flûte, voilà comment nous entrons dans cet album. C’est assez inédit dans un projet de rap français de débuter d’une telle manière; ça attise la curiosité. La fin des 51 secondes nous laisse entendre ce doux bruit de l’ouverture d’une canette. C’est là-dessus qu’on se lance dans le premier vrai morceau de l’album: Pirate des Carapils.

“Fous la merde en première, sur un beat à 70 BPM”

Oui, c’est sur un beat et un flow assez lents que Crapulax preste sur cette track. On retrouve une dose de technique habile, une cuillerée d’égotrip et une pincée de mots crus (bah oui, “violence gratuite” n’était pas juste là pour décorer) donnent déjà un bon aperçu du MC. Validé, de quoi être optimiste pour la suite.

Et quand on voit la qualité de “Barabbas“, cet optimisme était justifié.
Première originalité du morceau : il est entrecoupé par des extraits de films tels que Las Vegas Parano, Bradcock ou Terrain miné. Un peu comme un Ol Kainry aime le faire, sauf que dans le cas présent il n’y a pas de refrain et les extraits ont donc le rôle de couper les couplets. Ensuite, il y a cette prod géniale, atypique, sur laquelle le bruxellois pose parfaitement.

On change maintenant d’ambiance, on dérive vers une vague de mélancolie, de constats sur sa vie, vers un certain pessimisme. L’artiste se livre davantage et apporte encore une touche différente à l’album. A noter le solo de guitare à la fin du morceau, qui le démarque encore une fois de plus ce qui se fait le plus souvent dans le domaine du rap.
Bateau-mouche” suit d’une certaine façon le fond de “Foutu“, mais la forme varie fortement. Déjà parce que Carlsberg Slim est invité, premier featuring qu’on retrouve dans cet album. Et puis il y a ce refrain… sifflé ! Très agréable surprise, l’air rentre dans la tête en deux temps trois mouvements, vous aurez vite fait de le siffler vous-mêmes sans vous en rendre compte. C’est finalement assez contrasté entre ce refrain et les paroles dures des couplets.

Allez, on quitte le bateau-mouche pour aller monter Jolly Jumper. Lanceflow sera son frère d’armes dans ce western. Une chanson très imagée, on écoute là un petit film. Mieux vaut ne pas se retrouver en face à face avec ces deux-là, ils ont le mic facile. Mcs vous êtes prévenus. La prod de Dahmen Duff nous emporte durant trois minutes dans un spaghetti de John Woo. Voilà, c’est la fin… de la première partie de l’album.

Un petit interlude sympathique à la flûte de pan avant d’attaquer “Dis-moi d’où tu viens“. Pas grand chose à dire, le titre parle de lui-même. Morceau agréable, un peu plus classique. Trois invités: Masta Pi, Prezy-H et Fakir livreront chacun leurs couplets, et nous diront donc d’où ils viennent. C’est la partie plus introspective du projet. “Ma Life” révèle une profonde sincérité, sans détour et sans fiction, il nous narre son vécu. Assez touchant, c’est le genre de morceau où pas mal de gens se reconnaîtront alors que c’est peut-être le plus personnel.

On remonte des abysses de Crapulax, nouvel interlude. Toujours sous le fil rouge de la flûte de pan, on l’entend susurrer des mots doux derrière. Quand on introduit une track nommée “La Tourette”, il faut marquer le coup. Je m’attendais à un beat plus agressif, mais il m’a pris à conter-pied. On le retrouve blasé, nostalgique, même dépressif. Dans ce cadre, on retrouve cette grossièreté propre à l’artiste et entièrement assumée. La mal-être rend les insultes des plus naturelles. Après quoi, l’énergie de “Charcuterie fine”  nous renverrait plus au début de l’album. Sous un chant lexical fort apprécié par les rappeurs belges apparemment (n’est-ce pas JeanJass et sa viandre grillée ), le Bourgmestre nous sert un met de qualité. C’est le plat qu’il choisit comme premier extrait clippé.

S’en suit un OVNI, “Où sont les toilettes?“. Même pas sur la tracklist, c’est une surprise qu’on accueille à bras ouvert. Un bon délire (enfin, en musique, sinon la drogue c’est un moins bon délire) qui démontre s’il le fallait que Crapulax n’a pas de limite. Pour terminer cette écoute, ce sera la chanson éponyme de l’album. Logique, ce titre lui sied comme un gant, de la pure violence gratuite pendant 3 minutes 16. Il nous sort un gros uppercut, et étrangement j’aime ça et je ressors plus que satisfait de cette écoute.

Cet album est de grande qualité et très couillu, Crapulax sort des sentiers battus et aime nous surprendre. J’ai été très surpris de sa grande diversité, dans laquelle il affiche néanmoins une grande maîtrise et garde sa personnalité bien marquée.

«Violence Gratuite et flûte de Pan, c’est un nom comique pour un album pour mieux vous rentrer dedans»

 

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