2015 aura vu bien des artistes de la scène rap français exploser, avec entre autres le succès très attendu de Nekfeu, les grosses surprises PNL et SCH, ou encore la “renaissance” d’Alonzo. Pendant ce temps, d’autres préparaient le terrain et laissent prévoir un avenir des plus prometteurs. C’est le cas de S.Pri noir, il a sorti son EP Le monde ne suffit pas en juin dernier, qui n’a pas laissé indifférent. Avec son pseudo datant de l’époque MSN et son talent, sera-t-il le prochain à s’imposer parmi les cadors?
Un artiste complet
Tant sur le fond que sur la forme, l’artiste se diversifie énormément. Il peut sortir un morceau de rap “classique” comme 60G, avec des paroles sombres et profondes, et à côté faire un son très club comme Bouge. C’est un freestyler doté d’une grande technique, mais il ne s’enferme pas dans ce rôle et tente constamment de nouvelles choses. Quand il utilise l’autotune, c’est fait très proprement et pas surchargé. En somme une très large palette de flows, tous assez addictifs comme il aime le sous-entendre dans Cocaïne Flow. Il se permet aussi de poser sur des prods atypiques, comme celle de Amso dans Celte (qui rapperait sur de la cornemuse?). Le rappeur a travaillé avec pas mal de Beatmakers différents, comme Biggie Jo, Richie Beats, Mr. Punisher ou Sonar, apportant une diversité supplémentaire.
Au niveau lyrical, il peut pondre des textes très légers, égotrips (Lunettes Noires, Millions, Kestupeufaire, …), comme des textes qui prennent aux tripes et dignes de son pseudo (Vivre et laisser mourir, La nuit, Paramètres, …). Ni purement rappeur conscient, ni hardcore, il touche à tout et ne rentre dans aucune case préconçue.
Des collaborations fructueuses
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est très bien entouré. Il faut savoir qu’il a eu autrefois l’occasion d’être un membre à part entière de L’institut, groupe du label Wati B. Il semble avoir gardé de bons contacts avec le label vu qu’il a déjà invité sur ses projets Dr. Beriz, Black M ou encore Dadju. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce label et ses artistes, l’exposition offerte par le Wa est conséquente et a fait exploser pas mal d’artistes comme The Shin Sekai, qui l’ont d’ailleurs invité sur leur album.
Outre cela, il est aussi proche des artistes de L’entourage, un horizon bien différent. La chanson Ma Dope sur l’album de Nekfeu est un véritable carton, on regrette même que S.Pri n’y ait pas posé un petit couplet. Chose qu’il a faite lors de sa collaboration avec Alpha Wann, ce qui a donné un des meilleurs titres du projet Alph Lauren 2.
Plus le temps passe et plus on le voit souvent, aux côtés d’artistes tous bien différents les uns des autres comme Nakk Mendosa, Sam’s, Youssoupha, Louis Aoda, Zekwe Ramos, Quincy, Twinsmatic, Taipan et bien sûr son compère Still Fresh (membre du label Nouvelle Ecole comme S.Pri Noir). Un bon nombre de styles de rap est représenté, et comme il le dit dans License to kill:
Je sors perdant sur aucun feat
Mieux encore, le producteur en vogue du moment travaille avec lui sur son album. Si Kore était déjà connu auparavant, ces dernières années et ses collaborations avec Lacrim et SCH ont fait de lui un des plus gros producteurs du rap français, si ce n’est le plus gros. Niveau soutien, on peut difficilement espérer mieux.
Une identité forte
Un style à part, il est le James Bond du rap français. Grand fan de 007, ses deux EPs en sont le témoignage que ce soit dans les titres ou dans les covers. Un concept sympa qui le détache des autres, lui donnant une certaine imagerie. S’auto-nommant 00S, il fait passer le message de “Je suis un rappeur d’élite“.
Au niveau de l’apparence, il a une particularité bien à lui: le bâton de siwak. L’ayant par hasard gardé à la bouche pour un clip, il est aujourd’hui sa marque de fabrique. “Dans pas mal de pays d’Afrique de l’Ouest, on utilise beaucoup ce bâton pour les dents. Le matin et le soir, tu te brosses les dents. Et la journée, tu peux utiliser ce bâton” confie-t-il à lerapenfrance.fr. Rien d’esthétique à la base, mais maintenant quand on nous dit S.Pri Noir c’est avec son bâton de siwak qu’on l’imagine.
Des thèmes récurrents
On voit certains thèmes revenir régulièrement dans le rap de S.Pri Noir: la rue, son vécu, l’argent, le luxe, la débrouille, … Bien que ce soit toujours bien écrit, il faudra faire attention à ne pas tourner en rond et se renouveler de temps en temps. Il y a encore bien des sujets et des univers qu’il n’a pas abordés, le côté authentique ou festif ne fait pas tout. On peut attendre de lui qu’il s’aventure dans un sujet où il est moins à l’aise, tout en gardant son identité “S.pri“. Pour le moment sa carrière n’en est qu’à ses débuts et il n’a fait que deux EPs, on ne se sent donc pas encore lassés par cette répétition, mais sur un album entier ça pourrait avoir un impact bien plus négatif.
L’étape du premier album
Bien qu’il ait un bon buzz, on ne peut pas dire non plus qu’il fait partie des cadors. Et c’est maintenant que vient peut-être l’étape la plus difficile: l’album. Beaucoup de rookies prometteurs se sont cassés la gueule dessus, des Sadek, Hayce Lemsi ou 3010 ont pu décevoir après des mixtapes ou EP encourageants. C’est souvent en voulant être trop éclectique que ces projets se sont transformés en flops. Alors quand on sait que S.Pri Noir aime bien tenter beaucoup de choses, c’est quelque part une arme à double tranchant. Saura-t-il garder une cohérence et ne pas partir dans tous les sens? S’il réussit le pari, le projet pourrait faire très mal, dans le cas contraire le rapeur risque de tomber aux oubliettes comme ceux précédemment cités. Et c’est quand on en attend le plus que la désillusion est la plus grande. Le premier extrait Millions est, ceci dit, de bonne augure. Clip très soigné et réalisé par Fifou, alliant habilement le noir et le doré, un refrain entêtant et des couplets tranchants sur une excellente prod de HK25. On attend donc cette sortie avec impatience: grosse déception, projet flamboyant ou fiasco inexplicable, ce qui est sûr c’est qu’il marquera les esprits.