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Mon Club des Cinq, no. 1 : José van Dam

Ce que j’appelle mon Club des Cinq est un groupe de chanteurs lyriques (trois hommes et deux femmes) pour lequels mon admiration est sans limite. Malgré quelques associations, jamais ils n’ont chanté tous ensembles. J’ai donc voulu les réunir symboliquement avec cette courte série d’articles, honorant leurs individualtiés et leurs approches de l’opéra. Le but est aussi d’avancer certaines caractéristiques communes qui, selon moi, représentent les éléments indispensables qui distinguent un bon chanteur d’un grand artiste. Pour accomplir cette tâche, j’ai choisi d’employer trois vidéos pour illustrer au mieux un maximum de concepts. Chaque article de la série comprendra : un morceau composé par Mozart, objet de comparaison entre les différentes voix appliquées à un style commun défini; un duo et/ou un ensemble, l’occasion d’apprécier leurs talents harmoniques et leurs facultés d’écoute; enfin, j’utiliserai un aria spécifique qui permettra d’écouter l’ampleur vocale et technique de chaque individu. En prime, je m’arrangerai pour qu’au moins un extrait sur trois soit un enregistrement live.
Sans perdre de temps, commençons cette nouvelle série avec le baryton-basse belge José van Dam (1940). Natif de la capitale, il entre au Conservatoire Royal de Bruxelles à 17 ans et, quelques années plus tard, il fait une entrée tonitruante sur la scène lyrique européenne à l’Opéra de Paris, incarnant Don Basilio, un personnage du fameux “Babier de Séville” composé par Gioacchino Rossini (1792-1868). Il enchaîne alors les succès en France, puis en Allemagne où ses interprétations de Wagner lui valurent très vite une popularité colossale. Il rencontre alors le grand chef d’orchestre Herbert von Karajan (1908-1989) tombé sous la charme de sa voix, commence alors une relation professionnelle et amicale qui durera plusieurs décennies. Une bonne gestion de son instrument et une série de prix conduisent peu à peu le chanteur vers une carrière internationnale de grande envergure. Son talent de comédien le propulse même dans le monde du cinéma pour une apparition unique mais électrisante. En effet, il devient, en 1988, le rôle principal du film “Le Maître de musique” de Gérard Corbiau (1941), nominé pour l’oscar du meilleur film en langue étrangère. Fait baron par le Roi Albert II de Belgique (1934) 10 ans après, il continue à explorer le répertoire, à s’engager pour des productions nouvelles et à favoriser l’éducation artistique dans notre pays. Ce n’est qu’en 2010 que José van Dam met fin à une carrière menée avec grâce et qui aura duré plus de 50 ans, un record, un exemple.
La première vidéo met en scène notre compatriote dans un extrait live assez intense de l’opéra “Les contes d’Hoffman” signé Jacques Offenbach (1819-1880). On peut y appréciez les talents multiples du baryton-basse dans son interprétation jubilatoire, à la fois comique et glaçante, d’un vicieux docteur possédant certains talents cachés. Il se fond avec harmonie dans le mélange des voix qui occupent la scène. Le timbre de van Dam est bien en place, il varie subtilement le parler et le chanter, se greffe parfaitement aux mélodies étranges et aux décors fantastiques avant de révéler toute sa puissance dans un climax survolté.

Des 5 chanteurs lyriques étudiés, la baron belge est probablement le plus grand spécialiste du répertoire mozartien, ayant interprété à maintes occasions différents rôles de ce répertoire; il a même consacré, à plusieurs reprises, des concerts entiers à ce compositeur. Sa voix chaude et duveteuse, sa technique solide couplée d’une articulation irréprochable et son naturel expressif s’additionnent en une combinaison dévastatrice d’efficacité pour ce genre de morceaux. La preuve par l’exemple avec l’aria suivant, issu du fameux “Don Giovanni”, qui se base sur deux mélodies simples variées avec finesse et surtout interprétées avec intelligence.

Enfin, je terminerai ce premier hommage en utilisant un solo qui constitue, pour ce registre de voix, un véritable exercise de style aux nombreuses demandes, tant sur la forme que sur le fond, tiré de la version française d’une oeuvre écrite par Giuseppe Verdi (1813-1901), “Don Carlo”. Ce monologue repose sur une double réflexion du personnage, un roi mélancholique, qui observe sa jeune épouse endormie : il prend conscience que cette femme ne l’aimera jamais et envie son sommeil, lui qui veille sans cesse, insomniaque et fatigué de sa vieillesse, rêvant le pouvoir de Dieu à connaître le coeur des hommes. Une cavalcade de sentiments qui n’ont jamais été délivrés avec tant de passion, de tristesse et de vérité qu’à travers la version ci-dessous. On entend les moindres recoins de cette âme troublée qui exprime ses plaintes au coeur de chaque note. José van Dam est au sommet de son art, brillant, léger, sombre, une ligne de velours se déployant illuminée de science et de tendresse.