Molenbeek, moulin à culture Part. 1: le VK en danger
04 Mai 2016

Molenbeek, moulin à culture Part. 1: le VK en danger

Depuis quelques temps, Molenbeek a sa place

04 Mai 2016

Depuis quelques temps, Molenbeek a sa place sur une carte du monde, mais hélas pas pour les bonnes raisons. Vu l’importance tant soulignée de la culture pour rassembler les gens, BeatChronic est allé investiguer auprès de différentes personnalités de Molenbeek touchant au domaine culturel. C’est aujourd’hui au VK que nous nous intéressons. Leur dossier étant jugé insuffisant financièrement et artisitiquement, la salle de concert risque de voir ses subsides coupés et pourrait dès lors fermer ses portes en 2017. Sara Corsius, directrice du VK,  nous a reçus pour exprimer son point de vue sur la situation.

Existant depuis maintenant 27 ans, la salle avait déjà connu plusieurs diminutions des subsides dans son histoire, mais elle arrivait toujours à s’en sortir. “On avait déjà eu la coupe de 7%. Mais on avait une petite marge, on pouvait gagner un peu d’argent en vendant des tickets et  des boissons. On fait juste les offres un peu moins élevées pour les groupes, du coup les 7% on a su y survivre. Le VK marche, ce n’est pas qu’on est dans une mauvaise position. Mais si on n’a pas les subsides avant 2017 ça n’ira pas ». Une situation délicate pour laquelle ils ont fait une pétition, afin de solliciter leur public. Mais qu’en est-il des raisons de cette soudaine décision de la communauté flamande?

VK Photo

L’une des causes est l’instauration d’un nouveau formulaire, qui désavantage fortement le VK et d’autres night clubs. “On a eu un peu ce sentiment qu’on ne peut pas raconter ce qu’on fait vraiment. Avant on pouvait écrire notre histoire, ce qu’on fait, pour qui, nos plans pour le futur, ce qu’on va changer au niveau financier et artistique. Maintenant tu dois faire un choix entre discipline et fonction, c’est devenu très vague, les questions sont très dirigées ». Un formulaire qui permet peut-être de gagner du temps, mais moins de connaître les institutions. “Avant, les institutions venaient faire des visites, et je pense qu’ils ont fait une erreur de ne pas laisser ça. On pouvait avoir un dialogue direct, on observe sur place ce qui se fait ».

“Ces critiques viennent de gens un peu hors de ce monde.”

Parmi les critiques, on en retrouve certaines étonnantes. “Ils veulent qu’on laisse plus de place pour des artistes qui sont en train d’émerger en Belgique. Ils disent qu’on a perdu ce côté “gens qui introduisent des artistes ». Selon nous, ces critiques viennent de gens un peu hors de ce monde, n’étant pas bien informés“. Une analyse un peu faible, qui cache surement bien d’autres problèmes, notamment communautaires.

En effet, Bruxelles se retrouve un peu le cul entre deux chaises. “Ca devient de pire en pire ces derniers mois. Qui dirige Bruxelles, comment font-ils ça? Depuis la 6ème réforme de la Belgique, la culture est une affaire de région. Je ne sais pas si le fait que la Flandre nous subside est le plus logique, pour moi ça m’est égal tant qu’il y a une vision cohérente à côté ». Cette situation de la capitale donna un des principaux arguments à cet arrêt de subsides: seuls les Bruxellois connaîtraient le VK, ça ne concernerait pas la Flandre. L’organisation s’en est évidemment défendu et la commission réévalue actuellement le dossier, avant de l’envoyer au ministre Sven Gatz qui prendra une décision au mois de juin. “Globalement, mon sentiment est qu’ils ont cherché un point faible dans le dossier pour pouvoir rejeter des projets bruxellois ».

Et comme si ce problème communautaire ne suffisait pas, la ville de Bruxelles ne semble pas favoriser le développement de ces organisations culturelles non plus. “La ville de Bruxelles est un problème aussi. Philippe Close, c’est [lui et son cabinet qui allouent les subsides pour] Couleur Café, l’AB,  le Palais 12, c’est eux qui font Plaisirs d’hiver aussi. Tout le monde a peur de ce cabinet mégalomane. Ils veulent organiser eux-mêmes les événements, mais avec 1000 fois l’argent qu’ont les autres organisations. C’est de la concurrence déloyale. Ils disent qu’ils veulent être complémentaires mais ils ne connaissent pas ce qu’on fait ». Le cabinet semble fermer les yeux sur ce qu’engendrent leurs actions, disant ne pas comprendre ce qu’ils font de mal. Et quand “ce n’est qu’une organisation du 1080 » qui est en danger, il n’y a pas de quoi les ouvrir.

Ce que j’ai toujours senti, c’est qu’on n’est pas intéressants au niveau des élections. Ce n’est pas ici que les grands votes vont sortir. Moi je ferais l’inverse si j’étais politicien, je trouve que ce serait très logique d’investir à Molenbeek ». Un quartier que le VK a aidé à s’émanciper, en particulier avec ses actions pour la jeunesse. “Les jeunes devant nos portes qui étaient curieux de savoir ce qu’il se passait dans la salle,  ils travaillent maintenant pendant les concerts et gagnent un petit sous. Ils apprennent, on leur donne des formations, des perspectives, une manière de rencontrer les gens. Ça permet aussi à la population de voir autrement ces jeunes ». Autant dire qu’un arrêt du VK aurait des conséquences négatives pour eux. “Si le VK arrête, il y a plusieurs familles,  les mères et les jeunes, qui n’ont plus de projets. Je parle quand même de 40 personnes par an minimum qui viennent de rien et qui après savent où aller ».

Photo: Koen Bauters

Photo: Koen Bauters

Étonnamment, c’est l’Europe qui soulignera l’évidence de soutenir le VK. 4,5M d’euros sont investis pour rénover les bâtiments du VK concerts et de Vaartkapoen, le centre culturel. Mais hélas, ça ne change rien à la situation. “Ils vont rénover notre salle, que VK Concerts soit vivant ou pas. Si on est mort, ils trouveront quelqu’un pour occuper la salle mais la rénoveront quand même ». Assez paradoxal, tout comme le fait que la culture soit délaissée après tous les beaux discours post-attentats. “On ne comprend pas non plus pourquoi ce n’est pas une priorité pour le cabinet d’investir dans la culture. C’est une manière très facile pour résoudre toutes les divisions qu’il y a dans notre société. Si le cabinet ne veut pas nous supporter, je poserais les mêmes questions que vous: “La culture n’est plus prioritaire? Vous ne voyez pas que c’est la réponse qu’il faut donner dans notre société? » ».

Malgré tout, Sara va de l’avant et reste optimiste pour le VK. “Le projet est trop fort, si ce n’est pas la Flandre, on va trouver une autre solution. On ne va pas arrêter. A côté de la salle de concert, il y a quelques bâtiments qui vont être détruit, il y aura un espace vert avec un nouveau labo artistique. Comment je vois le VK dans 5 ans? Ce sera le double du projet actuel, on va monter tout le projet dans ce jardin avec le quartier ». Une déclaration rassurante, tout comme le soutien de plateformes comme OKO (Overleg Kunstenorganisaties). Mais la situation générale à Bruxelles reste inquiétante. “On n’est pas les seuls à Molenbeek qui maintenant perdent leurs subsides. C’est bizarre ces organisations qui perdent leurs subsides, elles qui font du bon boulot, sans elles il y aurait déjà eu des merdes depuis longtemps ». On ne sait pas comment se finira l’affaire VK, mais ce qui est sûr c’est que le combat culturel est loin d’être terminé à Molenbeek et à Bruxelles en général. Et toute aide est la bienvenue pour soutenir le VK,

Leave a comment
More Posts
Comments

Comments are closed.