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JeanJass et Caballero, la double hélice bien huilée

Voilà un bon moment qu’ils font parler d’eux dans notre petite Belgique, chacun de leur côté. Aujourd’hui, la francophonie entière connaît leurs noms et leurs flows : Caballero et JeanJass sont incontestablement devenus des poids lourds du rap belge. Alors quand un projet commun voit le jour, ne pas y jeter une oreille serait une belle erreur. Ils ont souvent collaboré, mais leurs univers très différents seront-ils en osmose sur tout un projet ? On espère leur dire Merci Beaucoup à la fin de l’écoute.

JJ Caba

Durant cet album, on sent que les deux MCs veulent s’amuser et divertir le public, et ce dès la première piste. L’égotrip, cet exercice de style si cher au rap, y est très présent. C’est sur un ton léger que JJ et le Pharaon Blanc s’autoproclament comme les meilleurs, mais  pas seulement. Les trois extraits dévoilés avant la sortie étaient d’ailleurs annonciateurs de cela. Repeat, accompagné de son clip, était le premier avant-goût et nous étions surpris de la tournure du morceau. Simple délire? Non, vu que Yessai appuyait ce choix mais en plus réussi. Sur un beat relativement calme de Mowley accompagné de la guitare d’Antoine Romeo. Ils deviennent millionnaires et se permettent tous les abus, de l’achat d’un héliport au foie gras gaspillé.  Du pur entertainment, et Merci Beaucoup est encore une fois dans cette lignée. Le refrain est entêtant, ce titre a le potentiel d’un tube, à leur échelle bien sûr. S’ils ont préféré mettre en avant ce côté joueur lors de la promo, l’album ne contient évidemment, et heureusement, pas que ça. On connaît les plumes des deux gaillards et elles ne se limitent pas à gonfler leurs égos avec de multiples hyperboles.

Plusieurs titres sont à mettre en lumière, comme Rien de grave “Je tombe, je me relève ». Une invitation à ne pas se laisser abattre par les épreuves de la vie et rester positif quoiqu’il arrive. Comme si rien ne pouvait les atteindre, les deux rappeurs vont de l’avant. C’est un sujet souvent exploité mais le répéter ne fait pas de mal,  et Vince Romeo aux cuivres apporte une autre dimension au morceau.

Dans Elle me veut, ils abordent le thème de l’amour. Et pour se faire, quoi de mieux que de sampler Vanessa de Doc Gynéco, bien d’actualité avec la réédition de son grand classique Première consultation. Le morceau est sensuel et plus dédié au désir charnel qu’au grand amour.

JJ Caballero

Le dernier titre, Oh merde, est le plus sombre de l’album. Il reste malgré tout à l’image de l’album, très optimiste. Le refrain aurait pu faire penser le contraire, mais les couplets contrastent bien en montrant cette envie de vivre, de réussir en donnant tout. JeanJass s’occupe lui-même de l’instru, ses talents de producteurs étant tout aussi impressionnants que ses performances au micro.

En somme, l’album est très réussi dans son ensemble, très léger et positif, ça fait du bien. La petite crainte était qu’il y ait trop d’égotrip au vu des extraits, mais ils ont su l’utiliser intelligemment, de façon ludique et en faisant en sorte que chacun des morceaux ait son identité. Les morceaux un peu plus “conscients” de l’album montrent bien qu’ils n’ont rien perdu de leur plume, et leur combinaison marche du début à la fin. A noter aussi la présence inévitable de DJ Eskondo aux scratchs et de Le Seize pour certaines prods, on ne change pas une équipe qui gagne. Avec Double Hélice, JeanJass et Caballero prennent un peu plus leur envol.

Run SOFA nous offre la première fleur du printemps

C’est en ce début de printemps que les Run SOFA nous livrent leur premier EP. Un peu plus d’un mois après la sortie de leur clip pour PapilLon, qui est également leur premier single, Shenanigans nous en dévoile d’avantage sur leur univers psyché teinté de jazz. Les carolos passeront à Bruxelles nous jouer leur musique planante mais énergique le 11 mai au Bonnefooi. On espère donc croiser ce groupe hétéroclite composé d’un chanteur, un guitariste et un graphiste (oui oui), dans la capitale prochainement.

Odezenne, dernier concert avant le couvre-feu culturel…

En cette dernière nuit bruxelloise placée sous le niveau d’alerte 3, un petit public fougueux s’est rassemblé sans crainte, en ne s’attendant pas que ce concert était l’un des derniers à se jouer au Botanique, avant le passage au niveau 4. Pourtant, les groupes prévus ont su faire honneur à cette soirée.

La soirée fut ouverte par Mochélan, présentant son bijou sorti en 2014, Image à la pluie. « Des trombes de pictogrammes tombent sur nos tronches » nous dit-il, après quelques transitions un peu timides. Sur quelques-unes de ses intonations, on semble entendre un Féfé qui nous chante ses héros. Mais ce qu’on retiendra de ce compatriote venu de Charleroi, c’est une innovation certaine. Des textes et des enchaînements qui sont réfléchis, cohérents.

Odezenne_4

Photo: Alexandre Gubbelmans

Les quatre lascars d’Odezenne débarquent ensuite sur scène, entamant leur titre Saxophone sans prendre de détours, testant par la même occasion la réactivité du public. Cela va sans dire, ils ont déclenché l’euphorie par leurs enchaînements de mots. Ils continuent avec Un corps à prendre, dont les envolées musicales au clavier sont un peu semblables à celles de Sébastien Tellier, poursuivant avec des tonalités quelque peu electroswing et des paroles qui se révoltent avec Dedans. Chie, crève, bouffe, dors…

Ils nous chantent ensuite Rien, sobrement, poursuivant leur douce envolée avec Novembre. Et c’est dans ces paroles formulées comme une critique de la société actuelle, qu’un Paris nous glace soudain le sang… « De l’accumulation naît la révolution, une étincelle brille entre deux explosions, réveille les instincts de tes morbides pulsions, les gens bien pensants vont quitter leurs fonctions ». Dans cette lancée de morceaux qui se posent en critiques du monde, ils nous chantent Chimpanzé, où le ton adopté est parfait pour nous raconter le goût amer qui traîne dans la gorge du chanteur. Une dernière sérénade chantée, Cabriolet, où la voix utilisée pour ce refrain, « je ne crois pas que je t’aide », nous ramène un peu de Bashung

Toujours dans cette envolée lyrique, « Allons plus loin, en autarcie » nous dit l’un, pendant que les sons au clavier semblent miauler… Et la flamme dans les yeux des personnes du public se rallume petit à petit, lorsqu’ils entonnent Je veux te baiser, puis Tu pu du cu, et pendant que l’ambiance se réchauffe lentement, les médias annoncent (à tort ce soir-là) que le niveau d’alerte à Bruxelles monte au niveau 4. Mais personne dans la salle ne s’en soucie, dans cet espace-temps particulier où Odezenne lance Vodka, pendant qu’on s’enivre de leur musique…

La soirée se conclut sur un jeu de mot pourri, où ils nous proposent de la Duvel et de la Bush, pour lancer leur chanson Bûche. Car s’ils étaient des super-héros, J’serais mélomane… Le public sort lentement du Botanique, et dites-moi, quoi de plus beau en ces temps affreusement apeurants que de profiter d’un moment de culture? Une culture qui use d’instruments et de mots pour nous rappeler qu’on peut crier autrement qu’avec du feu et du sang.

Odezenne_3

Photo: Alexandre Gubbelmans

JeanJass : la drogue, fléau des festivals ou aubaine des fêtards

Nul n’est censé ignorer les sévères contrôles à l’entrée du festival hennuyer de mi-juillet. Après cette offensive policière, une question se pose : Tantine Marie-Jeanne et Tonton Jack sont-ils les invités incontournables des festivals?  Afin de ne pas être auto-suffisants, nous ne vous transmettrons pas notre avis mais celui de JeanJass sur la qustion. Le jeune rappeur/producteur carolo s’est mis à table pour nous livrer ses pensées plus que nuancées… Avant tout, pour ceux qui auraient manqué la vague carolorégienne du rap francophone, voici un extrait de son dernier projet en date : Goldman.

Consommes-tu de la Weed lorsque tu te trouves dans un contexte musical (concert, phase de prod, d’écriture,…) ? – Pourquoi ?

Çà arrive très souvent, la fumette est très présente dans notre milieu. Personnellement j’aime fumer de l’herbe, ce n’est pas forcément lié à la musique. Je n’en ai pas besoin pour créer. Fumer me relaxe, c’est une question de détente !

Cela te donne-t-il l’impression d’être plus performant, plus confiant, plus inventif  – Est-ce indispensable pour toi ? 

Non, pas vraiment. Comme je disais plus haut, l’aspect créatif n’en dépend pas. Si j’ai fumé, je serai juste plus détendu, donc parfois ça me permet de me focaliser sur mon processus créatif. C’est comme si j’étais enfermé dans une bulle de fumée qui me coupe du reste du monde. Mais ce n’est pas du tout systématique, bien au contraire.

Dans quel contexte as-tu commencé à consommer ?

Avec les copains, après les cours. Je ne saurais pas vraiment expliquer ce qui m’a attiré, c’était la dynamique de l’équipe. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis autour d’un joint. C’était peut-être juste un prétexte pour se réunir.

Quelle influence cette pratique a-t-elle sur ton quotidien aujourd’hui?

En fait, j’essaye de minimiser au maximum cette influence. Je fume quand je n’ai rien d’important à faire. Je ne fume pas le matin par exemple, chose que je faisais étant plus jeune, je suis essentiellement un fumeur nocturne. La weed me détend mais dans certaines situations, beaucoup même, il faut être vif à 100% ! Je ne fume pas (ou très peu) avant de jouer sur scène. La scène c’est du sport, c’est mon boulot. Et on ne se défonce pas au boulot !

Je suis assez simple : j’aime rouler mes joints. Avec le temps, je met de moins en moins de tabac.

La drogue et l’alcool en festival, c’est comme les mecs torses nus, c’est inévitable. Qu’est-ce que tu en penses ?

Plus généralement, je pense que l’alcool et la drogue sont indissociables de la fête. Et les festivals sont des fêtes géantes qui durent plusieurs jours. Voilà.

Selon toi, que serait la différence d’ambiance en concert face à un public sobre et face à un public de consommateurs avérés ?

Je pense clairement que certaines musiques, dont la mienne, s’apprécient différemment avec un petit verre ou un petit pétard. Mais c’est juste mon avis ! Et aussi, un public sobre est beaucoup plus mou, beaucoup plus timide. Mais ça ne veut pas dire non plus qu’ils faut se retourner la tête pour kiffer un concert, c’est chacun son truc. Pour comprendre toutes les subtilités des rimes il faut rester un minimum attentif !

JeanJass

Photo: Durand Guillaume

Comme tu le sais, il y a plusieurs façon de consommer la weed (bang, tabac,…), quelle est celle que tu utilises – Celle que tu déconseilles ?

Je suis assez simple : j’aime rouler mes joints. Avec le temps, je met de moins en moins de tabac. Le bang et tout ça je n’ai jamais kiffé, c’est du gaspillage !

Quelles sont ta pire et ta meilleure expérience de consommation ?

Je n’ai jamais vécu de bad trip avec la weed, c’est plus le mélange avec l’alcool qui peut parfois te faire dire ou faire de la merde. Mon meilleur souvenir ? J’ai déjà eu la chance de goûter certaines des meilleures herbes du monde, et ce serait difficile de te dire laquelle j’ai préférée !

Faut-il légaliser le cannabis en Belgique – Comment le vois-tu en pratique ?

Je sais pas trop… Je suis assez partagé sur la question. Ce serait bien sûr beaucoup mieux si on ne nous faisais plus chier avec ça, je veux parler des flics évidemment. Mais d’un autre côté, si des associations légales en vendaient librement, je me dis que les tarifs augmenteraient et qu’il faudrait suivre certaines règles contraignantes. A voir donc.

RueduShizzle

Photo: Yaël Hasch

Notre ami casse un mythe que certains artistes tentent de véhiculer aujourd’hui.  Mythe selon lequel drogue et alcool seraient primordiaux lorsque l’on se trouve dans un processus créatif. Il n’empêche que, bien qu’insolites et souvent illicites, ces substances restent des compagnons de fête hors pair.