L. Subramaniam : au coeur de la Musique Carnatique
12 Déc 2014

L. Subramaniam : au coeur de la Musique Carnatique

Il existe de par le monde des

12 Déc 2014

Il existe de par le monde des artistes capables d’élever l’âme de leurs auditeurs en quelques notes. C’est le cas du violoniste Lakshminarayana Subramaniam, qui parvient à faire pénétrer à ceux qui l’osent leur propre conscience et y entrevoir cette essence universelle qui nous relie tous.

Originaire de l’Inde et descendant d’un père professeur de musique, L. Subramaniam (appelons-le ainsi pour nous éviter le bégaiement) pratique depuis son plus jeune âge la Musique Carnatique. Née en Inde du Sud, elle représente l’univers parallèle des standards classiques occidentaux que nous connaissons : partitions, orchestres et structure instrumentale sont remplacés par leur équivalent oriental. Ainsi, au lieu du solfège, les musiciens indiens utilisent le sargam dont les notes basiques sont également au nombre de 7, avec des variations toniques spéciales pour chacune d’entre elles en fonction du type de morceau joué. Une autre différence se trouve dans les changements infimes de sonorités jouant sur les 1/32èmes de tons alors que sur un piano classique par exemple, il n’y a que des 1/2 tons…

On peut entendre ces infimes variations dans les premières notes de ce morceau interprété par L. Subramaniam :

Dans ce type de musique, ce qui est le plus frappant est sans doute l’apparition de mélodies et de rythmes très éloignées de nos oreilles habituées à des BPM constants en 8 temps comme on en entend tous les jours à la radio. Ici, pas de gammes ou de BPM, mais plutôt des râgas et des tâlas : 

– Le râga représente la “zone mélodique” dans laquelle va évoluer le morceau, semblable à peu près à la gamme occidentale, à la différence que le râga représente une saison, un sentiment ou un moment de la journée.

– Le tâla est une structure représentant un mode rythmique qui va permettre aux musiciens de savoir où et quand ils pourront s’exprimer individuellement ou éventuellement se rejoindre dans leur jeu.

RagaL’ensemble de ces deux paramètres va donc créer la structure de la musique traditionnelle indienne, qui est principalement basée sur l’improvisation. Alors que certains artistes occidentaux répètent 36 fois leur morceau en studio pour placer la note parfaite qui viendra compléter l’oeuvre, les indiens, eux, ne se préoccupent pas de savoir absolument où et quand placer une note. Dans leur construction, ils privilégient une structure plus générale, en définissant un cadre pour savoir quelles notes jouer, à quel moment un des membres du groupe peut s’exprimer, et quand ils devront se réunir pour harmoniser chacun des membres de l’orchestre. Cette méthode possède certains avantages par rapport au solfège que nous connaissons :

– D’une part, la place laissée à l’improvisation permet à l’artiste d’expérimenter de nouvelles sonorités à chaque représentation. Ainsi, au lieu de chanter par cœur les titres préférés de l’artiste qu’il vient voir en concert, le public se retrouve transporté dans une nouvelle dimension mélodique à chaque écoute.

– D’autre part, la structure fixe propre à la musique occidentale représentée par des partitions et des notes précises saute complètement. De cette manière, on se retrouve avec une méthode plus intuitive, où le musicien n’est pas obligé de respecter à la lettre ce que le compositeur a voulu exprimer à travers la notation.

Sargam_exemple_partition

Exemple de partition de type “sargam”

L’une ou l’autre méthode pouvant être privilégiées pour obtenir le même résultat, la Musique Carnatique a tout de même la particularité d’avoir une méthode d’expression libre qui laisse une grande place à la performance. Risquée, elle est néanmoins propice à des performances créatives originales lors des concerts. Elle demande de la part de l’artiste une connaissance approfondie du morceau en l’absence de partitions, et une immersion au cœur de l’intention du morceau, étant donné la nature du râga qui se veut représentative d’une réalité au-delà des notes jouées.

Je vous invite à consulter la page Wikipédia consacrée à la Musique Carnatique, très complète à ce sujet, pour vous rendre compte plus en profondeur des parallèles qui existent entre la notation musicale orientale et occidentale.

Cette introduction à la musique classique indienne me semblait nécessaire pour présenter L. Subramaniam, étant donné qu’il a grandi dans cet Univers. Mais la particularité de notre homme est sans doute sa grande ouverture d’esprit. Il a étudié non seulement les théories musicales orientales et occidentales, mais aussi la médecine. Ainsi, il est plus connu sous le nom de Docteur L. Subramaniam étant donné sa formation. Nous nous passerons de mentionner son titre pour le citer, étant donné qu’il s’agit d’un article musical… Son ouverture et son goût de l’étude lui auront permis de collaborer avec de grands noms de la scène musicale mondiale, comme Herbie Hancock, Ali Akbar Khan, Yehudi Menuhin ou encore Stéphane Grappelli. L. Subramaniam a ainsi pu s’adapter à chaque système musical propre à la personne avec qui il a collaboré.

Ici, on peut le voir improviser avec le balafoniste Ali Keita, où son génie s’exprime à travers une collaboration entre l’Inde et l’Afrique… Le résultat est plus que surprenant. Il réussit parfaitement à entrer en résonance avec les sonorités que lui propose son partenaire, et on parvient à entendre un dialogue entre les deux musiciens, où ils apprennent d’abord l’un de l’autre avant d’entrer dans une discussion folle où se mêlent des sentiments extraordinaires :

Cette manière de s’exprimer musicalement via l’improvisation est totalement maîtrisée par notre homme, et c’est de cette manière qu’il collabore avec des artistes du monde entier ; d’abord en les écoutant profondément, puis en les accompagnant avec son instrument selon ce qu’il ressent sur le moment. Dans le documentaire à la fin de cet article, on peut notamment voir différents duos qu’il a réalisés tout au long de sa carrière comme celui ci-dessus (extrait de l’oeuvre). Réalisé par Jean Henri Meunier, il nous présente à la fois l’approche technique du violoniste, des éléments biographiques, mais aussi son approche spirituelle par rapport à la musique. Cet aspect spirituel est bien sûr très important dans la culture indienne, où chants, danses et musiques sont reliés directement aux pratiques religieuses de la population.

“On ne peut pas comprendre l’Inde en lisant un livre ou en y venant une ou deux fois. Plus on la découvre, plus il reste à découvrir. C’est pareil pour la musique, plus on essaie de comprendre et d’apprendre, plus on prend conscience de ce qu’on ignore. C’est comme un océan.”L. Subramaniam

 

A présent, j’aimerais vous laisser bercer par les cordes effleurées par Pandit (le maître) L. Subramaniam, et ainsi découvrir que l’exploration de l’Univers de la musique est une expérience infinie. Ce documentaire vous en apprendra peut-être autant sur la Musique Carnatique que sur vous-même. Bon voyage…

 

Leave a comment
More Posts
Comments
Comment