Inside Couleur Café part. 1: l’envers du décor
26 Juin 2016

Inside Couleur Café part. 1: l’envers du décor

Irene Rossi, programmatrice et chargée de relations

26 Juin 2016

Irene Rossi, programmatrice et chargée de relations presse chez Couleur Café, nous en dit un peu plus sur ce festival qui attire environ 33% de Bruxellois. Elle nous raconte les négociations annuelles avec Tour & Taxis, la difficulté de programmer certains artistes et les visions pour l’avenir autour d’une bière dans le centre.

Raconte-nous un peu le cheminement pour boucler une édition. De la fin du festival à l’édition suivante par exemple. Comment ça se passe ?

Après la clôture du Festival, on redéménage à nos bureaux qui sont à Auderghem. Là on met tout en ordre, on remercie tout le monde, on paye les factures, on gère les objets perdus et la postproduction. Tout cela se fait sur le mois de juillet et au mois d’août on ferme les bureaux. Évidemment pendant l’été on va voir d’autres festivals, on va voir un maximum d’artistes partout, ici et à l’étranger pour faire de la prospection. Et à partir de septembre on recommence avec un debriefing sur les points négatifs et positifs. Et puis on décide ce qu’on fait pour l’année prochaine: quels sont les artistes à contacter, quelles nouveautés on va introduire. On recontacte les partenaires, les sponsors, les médias et les personnes pour les subsides. Et puis on commence peu à peu à faire la programmation. Pour cette année, le premier nom etait déjà booké en novembre, c’était Ghinzu. La programmation joue vraiment un rôle primordial dans l’organisation. On doit s’y mettre tôt pour ne pas passer à côté de certains artistes qu’ils soient petits ou grands et pouvoir lancer la communication dès le mois de décembre et mettre en vente les premiers tickets (Xmas Pass NDLR) aux fans du festival, parfois sans annoncer de noms.

Vous êtes sûrement une grosse équipe, avec plus d’un programmateur, pourquoi en prendre encore en free-lance ?

On est en fait une très petite équipe. Je suis responsable de la communication générale mais je gère également la programmation du festival avec Patrick Wallens, le directeur et créateur de Couleur Café. Voilà. A côté de ça, on travaille depuis cette année avec des équipes de consultants francophones et néerlandophones, amateurs de tous types de musique. On a fait des tables rondes avec des gens de notre public, tous âges confondus. De ces gens-là on a tiré plus ou moins 40-50 personnes qui sont devenues nos consultants de programmation. On fait ça pour élargir nos horizons vers les artistes que l’on connaît un peu moins et avoir une affiche diversifiée et attrayante. Parce qu’il faut savoir que notre public est très large et il faut tenir compte de tous ces aspects dans la programmation, c’est difficile. Et puis, maintenant il y a plein d’artistes qui vivent sur les réseaux sociaux. Avant, tu pouvais dire « Ah oui, c’est un artiste qui tourne en radio, c’est bien ». Mais actuellement, il y a des artistes qui ne tournent que sur les réseaux sociaux. C’est donc beaucoup plus difficile pour nous d’être au courant de tout. C’est une solution pratique que certains festivals comme Dour ou Les Ardentes ont adoptée.

Il y a malgré tout beaucoup d’artistes qui reviennent. Est-ce qu’il y a une règle qui dit « on prend ces artistes là qui sont déjà venus parce qu’on sait que les gens vont aimer »?

D’abord on regarde le programme complet pour voir ce qu’on a déjà et ce qu’il manque encore. Et alors on va voir les artistes qu’on connaît déjà, s’ils sont disponibles ou pas. C’est surtout pour une question d’équilibre. Évidemment quand ils sont venus il y a deux ans, on hésite beaucoup plus. Mais on sait aussi qu’il y a des artistes vraiment chouchous de Couleur Café comme Nneka par exemple. Je pense que chaque festival a plein de groupes qui reviennent aussi. Mais bon, pour les belges, on essaye quand même de donner la place chaque année à de nouveaux groupes. Il y a même des artistes belges qui on été un peu lancés par le festival comme Selah Sue qui a fait son premier grand concert chez nous. Et Puggy aussi avait été programmé comme BE.FOCUS. C’était l’année ou on a eu un incendie sur le site et MCM était venue filmer. La chaîne a retranscrit leur concert parce que c’était le seul groupe qui continuait à jouer. Et c’est là qu’un groupe américain qui les a vus. Comme ils cherchaient quelqu’un pour faire leur première partie. Ils sont donc partis en tournée avec ce groupe et c’est là que ça a débuté pour eux.

Photo: Alexandre Gubblemans

Photo: Alexandre Gubblemans

Peux-tu nous expliquer également les étapes et difficultés à programmer les artistes étrangers ? On pense notamment à Chic et Nil Rodgers le vendredi soir.

Pour ce genre d’artiste, on travaille avec des agences spécialisées. Cela dépend donc des agents et du contact qu’on a avec eux. Évidemment ils ont des contacts avec tous les festivals. Il faut donc se dépêcher pour réserver un artiste avant qu’un autre festival s’en charge. La période de tournée représente aussi une difficulté puisqu’un artiste peut programmer sa tournée vers début juillet comme fin août. Dans le premier cas, on est gagnants et il ne reste plus qu’à voir si le budget suit l’offre de l’artiste. Le plus important est d’avoir de bons contacts avec les agents directs, situés aux États unis, en Angleterre ou en Afrique et non les intermédiaires européens. 

On a pu constater ces derniers temps, une sorte de recul vis-à-vis de la culture musicale (ex:VK) de la part des institutions. Avez-vous également ressenti cela pour le Couleur café ?

C’est très difficile mais nous on a pas eu de réduction cette année, Il faut dire qu’on a des dossiers très forts et qu’on ne dépend pas seulement des subsides, c’est vraiment une petite partie pour nous. Nous nos revenus, c’est vraiment les tickets d’entrée et les tickets boisson et la location qu’on fait pour le petit marché et les petits restaurant aussi. Il y a également les sponsors. Mais là je trouve qu’on fait toujours des dossiers très très forts pour convaincre les ministres qu’il faut… Pour l’instant ça va, on aurait besoin de plus évidemment mais ça va. C’est vrai qu’on est aussi une grosse organisation, on a beaucoup d’expérience au fil des années. Mais c’est vrai qu’on a aussi perdu des gros subsides européens par exemple, parce que là, c’est plus difficile de les avoir.

Du coup, niveau organisation, on imagine que c’est plus difficile. Qu’en est-il concrètement, il y a des choses que vous laissez tomber au fur et à mesure ?

Depuis quelques années, on a laissé tomber l’exposition parce qu’on avait toujours une très belle exposition autour d’un thème spécifique avec des peintures et ça coûtait énormément. C’était très chouette mais on trouvait que le public ne s’attardait pas dessus parce qu’en fait, il y avait beaucoup trop de choses à faire musicalement sur le festival, du coup il n’a pas le temps d’aller voir le reste. Maintenant, ce qu’on fait, c’est des artistes qui viennent faire du street art on live. Ça on a quand même continué mais plus dans l’esprit du festival avec tout ce qui est urbain. Il y a aussi les enquêtes qu’on faisait auprès du public pendant le festival, on a arrêté parce que c’est un coût très élevé et on doit faire des économies. Malheureusement la production d’un festival ça coûte plus en plus, les artistes deviennent beaucoup plus chers, d’année en année. En soi, la vie devient plus chère et donc tout devient plus cher, le personnel par exemple. Mais bon, on connaît plus ou moins notre public et on va travailler avec ces consultants et on va faire une enquête sur Facebook ou peut-être online.

Photo: Alexandre Gubblemans

Photo: Alexandre Gubblemans

Niveau 4, une première pour le festival. Tu peux nous dire d’où est partie l’idée et comment les artistes ont-ils réagi à la proposition ?

L’idée est venue de Patrick, directeur du festival parce qu’on cherchait encore quelque chose pour le dimanche et on ne trouvait rien qui collait. Et comme on sait que le Hip Hop marche à fond partout, on s’est dirigés vers ça. En fait, on a fait le même type de projet il y a 10-15 ans qui s’appelait Belgique ta mère. C’était la même idée, rassembler des artistes hip hop flamands, francophones et d’en faire un spectacle. Et depuis lors, on a toujours voulu refaire ça et maintenant qu’il y a beaucoup de chose qui se passent pour le hip hop en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, c’est le bon moment. On a contacté les artistes et ils étaient tout de suite très chauds. Ce qui est étonnant c’est que la majorité des francophones ne se connaissaient pas les néerlandophones et inversement. On a fait une session photo et c’est là qu’ils se sont vus pour la première fois. On a eu quelques problèmes avec certains artistes comme Coely qui avait un contrat d’exclusivité avec Pukkelpop mais on a discuté avec le directeur que je connais et il a accepté qu’elle joue avec nous. Avec Woodie Smalls c’était un peu compliqué aussi parce que lui, il est en train d’enregistrer sont deuxième album donc il est très concentré dessus.

Justement on remarque une volonté d’afficher une line up de plus en plus belge chaque année. Quelle vision pour l’avenir, une affiche exclusivement belge ?

On l’a toujours fait, c’est juste que depuis quelques années, on met plus le focus dessus, on l’appelle BE.FOCUS. On le fait parce qu’il y a de très bons artistes belges, ça attire aussi un public, il y a des gens de Bruxelles qui ont l’occasion de voir leurs artistes favoris à Bruxelles. Mais je ne pense pas que l’on fera une line up exclusivement belge un jour car on est quand même le festival qui a le plus d’artistes du monde et je pense qu’on va rester comme ça. Ceci dit, nos artistes belges ont un peu de toutes les couleurs et ça c’est un peu notre différence avec tous les autres festivals. Souvent sur les autres festivals, t’as des artistes plutôt rock ou plutôt hip hop, chez nous, il y a vraiment de tout.

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Photo: Alexandre Gubblemans

On a entendu qu’il y avait des rumeurs concernant un éventuel changement de site pour Couleur Café. Sont-elles fondées?

Tour & Taxis est vraiment un site privé et ils sont en train de faire des travaux tout le temps. Donc nous on doit s’adapter chaque année. Cette fois-ci, on a du supprimer notre camping externe parce qu’il y a le chapiteau de la monnaie sur son emplacement. Il y a aussi le palais du bien manger qui est en travaux, on ne peut pas l’utiliser. Donc on a du mettre les restaurants dehors et le camping externe, on l’a mis tout à fait à l’intérieur mais il y a toujours 3000 places. On aimerait quand même agrandir le camping parce que c’est ça qui fait un festival. Eux ils sont en train de construire plein de bâtiments donc c’est sur qu’au fil des années, on aura de moins en moins d’espace. Et à long terme peut-être qu’on ne pourra pas rester là-bas. On a des endroits alternatifs en tête mais on va déjà voir comment ça se passe cette année. Sinon on pense au parc Osseghem à côté de l’Atomium, il est très chouette mais là aussi, il y a beaucoup d’autorisations à demander. En tout cas, rien est encore sur. Peut-être que l’on restera encore à Couleur Café, peut-être pas. Donc ce ne sont pas des rumeurs, en réalité ça fait 10 ans qu’on nous dit qu’on doit déménager (sourire).

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