24.04.14: Suns of Thyme (+Lazy Sin) : entre interview fleuve et torrent psychédélique
05 Mai 2014

24.04.14: Suns of Thyme (+Lazy Sin) : entre interview fleuve et torrent psychédélique

Il est un peu plus de 23

05 Mai 2014

Il est un peu plus de 23 heures. Les habitués traînent au bar. Entassés dans la minuscule arrière salle du DNA, Toby, Tim, Jens, Jascha et « Medusas Echo » se prêtent finalement au jeu de l’interview, après 9 heures de route et un set qui a tenu ses promesses, amorcé par l’énergie contagieuse des belges de Lazy Sin.

Des quinze minutes réglementaires, la discussion s’étendra finalement à une heure. Comme sur leur album « Fortune, Shelter, Love and Cure », les cinq allemands ont des choses à dire. Quelques mots-clés pour remettre de l’ordre dans nos idées, entre interview fleuve et torrent psychédélique.

Suns of Thyme

DNA (Brussels) – 24.04.2014
© Maxime Fauconnier

« We’re looking for a drummer. » Au moment où Jens rencontre Tim sur les bancs de l’université, cela fait déjà deux ans que le premier enchaîne les groupes avec Toby. Fatigués de jouer en formation réduite, les trois musiciens cherchent désespérément un batteur :

Jascha Kreft

Jascha Kreft (Drums and Backing Vox)
© Pierre Vanneste

Jens (basse) : « On a fait tout ce qu’il était possible de faire. On a mis des annonces en ligne, on s’est même mis à demander à des gens au hasard dans la rue. On cherchait quelqu’un qui pourrait ressembler à un batteur, qui tape sur ses genoux en rythme dans le métro. »

C’est finalement à un concert de Spindrift / Dead Meadow qu’ils rencontreront celui qu’ils appellent aujourd’hui « the perfect fit », la pièce manquante.

Ce jour-là, Toby et Tim se font aborder par un inconnu, grand, blond :

Jascha (batterie) : « En les voyant jeter un œil au matériel, je me suis dit qu’ils devaient faire partie d’un groupe. Alors j’y suis allé en leur demandant s’ils cherchaient quelqu’un pour jouer avec eux. C’était la première fois que j’allais parler à des inconnus. Normalement je ne fais jamais ça. Sauf pour demander du feu… »

Pas de fumeur sans feu. Le lendemain, alors que le groupe répète pour la première fois avec leur nouveau batteur, l’étincelle prend. Jascha ramènera ensuite avec lui « Medusas Echo » qui apportera au groupe sa forme définitive, et quelques centimètres de cheveux supplémentaires.

« We are family. » Je vous vois arriver d’ici. Vous en avez marre qu’on vous bassine avec un titre douteux des Sister Sledge et des formules bien pensantes. Et vous avez raison. A ces trois mots, j’ai tiqué. Le rictus sur mon visage trahissant mes doutes, les cinq membres du groupe se sont empressés de me démontrer selon A + B qu’ils étaient bien « une famille » :

Medusas Echo (Tambourine man et synthés) : « Tu dois vraiment voir comment on vit. Tim et Jens vivent ensemble. Et moi et Jascha, on vit ensemble. »

Jascha : « Oui, je dois littéralement traverser sa chambre pour aller dans la mienne. »

Jens : « Je vois Tim plus souvent que tous les membres de ma famille réunis. »

lindaglas

© Linda Glas

Et comme une vraie famille, les Suns of Thyme s’assemblent sans pour autant se ressembler. Entre mélange des genres et références croisées, leur premier LP témoigne de ce kaléidoscope d’influences. De Pink Floyd au Brian Jonestown Massacre, en passant par Joy Division, les inspirations se télescopent sans pour autant mettre les cinq membres du groupe d’accord. Un avantage sur disque qui pose toutefois un problème mineur lors des tournées :

Jens : « On ne sait jamais quelle musique mettre dans le van. Tu sais quand tu aimes une chanson et que tu montes le volume, il y en a toujours un pour passer derrière et dire ‘Non, c’est nul’ et changer de titre. »

Toby (Chant et guitare) : « Alors sur le trajet pour venir jusqu’ici on a juste écouté de la musique classique à la radio. »

Jascha : « Attends, il y a quand même quelques chansons pop sur lesquelles on arrive à tomber d’accord. Comme cette chanson, c’est quoi encore le titre ? Alane, de Wes. On chante toujours en cœur quand on la met. » (rires)

Tim (Guitare) : « Oui c’est vrai ! Tu vois notre « Tambourine Man » (Medusas Echo) filme toujours tout, depuis qu’il a 15 ans. Juste des trucs du quotidien. Et il a quelque chose comme 3 enregistrements de nous en train de chanter cette chanson dans le van. »

Medusas Echo : « Je crois qu’il y en a bien plus que 3… » (rires)

8MM and Mindpirates Collective : Originaires des quatre coins de l’Allemagne, les jeunes allemands s’installent finalement à Berlin pour faciliter les répétitions. Mondialement réputée pour son héritage électronique, la capitale allemande n’est pas en reste en matière de rock psychédélique et d’indie. La scène est petite, les gens actifs. C’est le cas notamment au 8MM, un bar récemment muté en label indépendant :

Jens : « Tous les gens issus de la scène psychédélique et indie à Berlin se réunissent dans ce bar. C’est vraiment le point névralgique, là où tout le monde se rencontre. Tous les groupes qui jouent à Berlin se retrouvent ici après leurs concerts. »

Dans l’histoire de Suns of Thyme, le 8MM joue également un rôle important puisque c’est dans ce même endroit que le groupe a trouvé son batteur. Entre les DJs sets de Tim et les services de Jens, le 8MM est rapidement devenu le QG des Suns. Le groupe se retrouve d’ailleurs sur la compilation sortie par 8MM Musik (en collaboration avec le label du tempétueux Anthon Newcombe), aux côtés de 10 autres titres issus des entrailles du Berlin underground.

fortune-shelter

Artwork “Fortune, Shelter, Love and Cure”
© Lionel Williams

Le deuxième pilier des Suns of Thyme, et leur port d’attache dans la culture berlinoise locale, c’est le collectif d’artistes Mindpirates. Enchaînant expositions et concerts, la structure a également joué un rôle important dans la sortie du premier LP du groupe :

Toby : « Nous avons eu la chance de rencontrer des gens qui nous ont poussé à enregistrer nos premiers titres. Ce sont les premiers qui nous ont vraiment soutenu, financièrement y compris. Maintenant on est tous devenus très bons amis. »

Tim : « Ils ont également cet espace qu’ils utilisent pour des expositions. On a joué trois ou quatre fois là-bas, que ce soit pour des sets complets ou juste des jams. (…) C’est bon de savoir qu’il y a des gens qui investissent autant d’énergie pour que les choses se fassent. »

Jascha : « Grâce à Mindpirates, on a également rencontré celui qui a fait la pochette de notre album, Lionel Williams. Il exposait là-bas. »

De rencontre en rencontre, les Suns of Thyme se sont rapidement frayé un chemin dans la culture locale berlinoise, gravant leur nom aux côtés de groupes tels que the Blue Angel Lounge ou Kadavar. Et si les jeunes allemands multiplient les dates dans leur pays d’origine, ouvrant pour des grands à l’image de A Place To Bury Strangers, Dead Meadow ou encore TOY, c’est aujourd’hui au-delà de leurs frontières qu’ils souhaitent percer.

« 0 compromises. 80% complaining » : Pour percer, Suns of Thyme n’aurait pas pu rêver meilleure vitrine que ce premier LP, accouché entre les murs de leur salle de répétition, en plein cœur d’un bâtiment qu’ils partagent avec 400 autres groupes. Entre chaos sonore et froid polaire, les titres, peu à peu, prennent vie. Le groupe se remémore les souvenirs d’un enregistrement « dans les pires conditions » :

Suns of Thyme on stage (DNA, Brussels)

Suns of Thyme on stage (DNA, Brussels)
© Maxime Fauconnier

Toby : « A cause de tous les autres groupes qui répétaient en même temps, il y avait toujours du bruit provenant des quatre coins de la pièce. Alors pour enregistrer on venait souvent à partir de minuit ou 1h du matin. C’était l’hiver, il faisait froid et on n’avait pas de chauffage. »

Jens : « J’avais tellement froid que je devais porter des mitaines pour pouvoir jouer sans perdre l’usage de mes doigts. »

Comme depuis la rencontre du groupe, les choses se sont faites naturellement. Pièce après pièce, les chansons qui n’étaient alors que des ébauches finissent par dessiner un premier album cohérent, où les expérimentations vocales d’Asata Maha côtoient les synthés hypnotiques de Cataclysm.

Tobias Feltes

Tobias Feltes (Vocals & Guitars) © Maxime Fauconnier

Le ciment de ce premier hommage psychédélique, c’est sa production. Incapable de déléguer, Toby a passé trois mois à mixer et masteriser le bébé, entre perfectionnisme et esprit de compromis. Même après le passage d’un professionnel et le premier pressage du disque, le chanteur continue à réajuster les enregistrements, « pour qu’il (ndlr l’album) sonne le mieux possible ».

Pari réussi. A l’écoute du bijou, le voyage commence. Loin des premiers pas hésitants, « Fortune, Shelter, Love and Cure » a des airs de grands. Sur scène, c’est la même chose. Ni pâle copie, ni pillage éhonté, Suns of Thyme, du haut de leur vingtaine d’années et derrière leurs tignasses ébouriffées, apportent un souffle nouveau au rock psyché.

Et comme ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin, les Suns of Thyme travaillent actuellement sur un EP semi-acoustique, un split single avec Odd Couple mais surtout la sortie de leur second album qu’ils présentent déjà comme « plus planifié ».

[soundcloud id=’115756627′ width=’100%’]

Leave a comment
More Posts
Comments
Comment